Pour accompagner la structuration de son service achats, Voodoo s’est vite appuyé sur un outil P2P
Par Mehdi Arhab | Le | Direction ha
Après s’être fait un nom dans le monde des jeux vidéo pour smartphones, Voodoo cherche désormais a mieux maîtriser ses dépenses pour soigner son incroyable trajectoire de croissance. La licorne française a ainsi décidé en début d’année de se doter d’une direction achats. Pour la superviser, Voodoo a fait appel à Anne-Sophie Levenez. Son premier objectif : mener à bien le déploiement d’un SI achats pour gagner en maturité.
Comment amener les collaborateurs de l’entreprise à ne pas dépenser plus que ce qui est prévu ? Vaste sujet, vaste question. Pour réduire leurs coûts, de plus en plus de startups et pépites du programme French Tech Next 40/120 décident de s’appuyer sur un département achats. Chez Voodoo, le choix de bâtir un service achats a aussi fini par s’imposer naturellement. Fondée en 2013, la startup devenue scale-up ne fait en effet pas exception à la règle. Cette jeune pousse n’est peut-être pas la plus connue des licornes françaises, pourtant, chaque jour, ses jeux vidéo pour smartphones font le bonheur de plusieurs centaines de millions de personnes. Devenue une référence mondiale des « hypercasual games », Voodoo, qui emploie près de 800 personnes dans le monde, comptabilise plus de six milliards de téléchargements pour l’ensemble de son catalogue de jeux aux quatre coins du globe. Elle en a développé et/ou édité plus de 200, dont certains ont fait de l’ombre aux bien connus Candy Crush ou encore Angry Birds …
Après avoir accumulé un million d’euros de revenu en 2016, l’entreprise en enregistre chaque année, depuis 2019, plusieurs centaines de millions d’euros. Voodoo est aujourd’hui un poids lourd de son secteur, rentable. Il n’a d’ailleurs eu de cesse de séduire nombre d’investisseurs, enchaînant des levées de fonds colossales. Après avoir réuni un peu moins de 200 millions d’euros auprès de Goldman Sachs en 2018, la startup a bouclé une nouvelle opération de financement auprès du géant chinois Tencent en 2020, lui donnant l’occasion de témoigner de son statut de licorne. Elle a ensuite levé à l’été 2021 quelque 266 millions d’euros auprès de la société d’investissement Groupe Bruxelles Lambert ; une opération qui a porté sa valorisation à 1,7 milliard d’euros. Quelques mois après avoir entériné l’acquisition la plus importante de son histoire, en s’offrant en fin de cette même année 2021 le studio israélien Beach Bum, axé sur les jeux mobiles de cartes et de plateau, Voodoo a décidé de créer son service achats, lequel a pris forme en mars 2023 avec le recrutement d’Anne-Sophie Levenez, 31 ans et ancienne category manager au sein de Sanofi puis du Groupe Rocher.
L’implémentation d’un SI achats, un projet structurant à mener sur le temps long
La fonction finance avait déjà en tête de déployer un outil PtoP. Elle attendait simplement qu’un recrutement soit effectué sur la fonction achats naissante
Rattachée à la Finance, elle a dû pour commencer, en plus de structurer la fonction achats, analyser les dépenses de l’entreprise, dénicher des combinaisons pour mettre les coûts sous contrôle, contribuer à atténuer les risques auxquels l’entreprise est confrontée et, originalité, assurer au plus vite l’implémentation d’une solution digitale sur les activités P2P. Dès sa prise de fonction, elle s’est approprié le sujet pour atteindre l’objectif qui lui a été fixé. « La fonction finance avait déjà en tête de déployer un outil PtoP. Elle attendait simplement qu’un recrutement soit effectué sur la fonction achats naissante », explique Anne-Sophie Levenez.
L’appel d’offres mené durant l’été a vu s’affronter les leaders bien connus du marché et deux outsiders qui pointent (de plus en plus) le bout de leur nez : Okko et Pivot. Et c’est ce dernier qui a remporté la mise, s’offrant le scalp de toute la concurrence. Au moment où Voodoo a arrêté son choix, Pivot n’avait pourtant pas encore de produit à lui mettre dans les mains. Un pari qui comporte son lot de risques, certes, mais comme d’autres finalement. « Nous avons pris un risque en toute connaissance de cause. Mais implémenter une solution d’un grand nom dans une scale-up aurait sans doute apporté son lot de difficultés aussi et provoqué une certaine perte de vitesse, de fluidité. Pivot proposait la solution qui correspondait le mieux à nos besoins », assure Anne-Sophie Levenez.
Le tout est d’apporter au business un outil adapté, qui n’a rien d’une usine à gaz, qui lui offre un suivi budgétaire fiable, de la flexibilité et qui lui redonne la main
Le processus de déploiement, débuté en septembre, est encore en cours ; Anne-Sophie Levenez ne voulant pas précipiter les étapes. Après avoir, dans un premier temps, digitalisé le process de demande d’achat par les métiers, la prochaine étape, qui interviendra dans les semaines qui viennent, aura pour nature d’interfacer l’outil d’e-procurement avec l’ERP du groupe, SAP Business ByDesign. « Nous savions que nous n’aurions pas le produit dans son ensemble dès le départ. Dès lors, nous suivons la vitesse de développement de Voodoo et tâchons d’améliorer ensemble ce qui doit être déployé. De nouveaux modules arriveront au fil de l’eau. Le tout est d’apporter au business un outil adapté, qui n’a rien d’une usine à gaz, qui lui offre un suivi budgétaire fiable, de la flexibilité et qui lui redonne la main », révèle la responsable des achats.
Une conduite du changement faite tout en délicatesse
Dans les entreprises de la tech, la fonction achats n’est pas encore bien connue
Pour le reste, plutôt que d’établir des procédures et process très directifs, définir une politique d’achats figée, la responsable des achats a préféré prendre les projets qui se présentaient à elles les uns après les autres. Une manière d’accompagner en douceur les équipes internes. « Beaucoup n’avaient jamais eu affaire aux Achats. Dans les entreprises de la tech, la fonction achats n’est pas encore bien connue », rappelle l’intéressée. Elle s’attache désormais, depuis quelques semaines, à penser des stratégies d’achats par famille, avec l’envie d’opérer des synergies entre les achats réalisés par les différentes BU et filiales du groupe. L’objectif : rationaliser le panel fournisseurs des familles achats les plus importantes et stratégiques, à savoir l’IT, qui englobe principalement software et hardware et l’environnement de travail (workplace). Les deux familles précédemment citées ne sont au demeurant pas les seules couvertes par le service achats. Il s’emploie aussi sur les achats de prestations intellectuelles - consulting essentiellement, d’événementiel ou encore de mobilité. Seule la famille achat marketing n’entre pas dans son périmètre d’intervention pour le moment.
Penser que l’on va tout faire parfaitement dès le départ, c’est présomptueux
De cette étape, Anne-Sophie Levenez attend des effets bénéfiques. « C’est en rationalisant les panels que nous trouverons des pistes d’économie. Nous en attendons d’importantes dès l’année qui vient. L’état d’esprit en interne commence à changer, doucement mais sûrement, et va dans la bonne direction. Progressivement, nous parvenons à couvrir de plus en plus de dépenses », se satisfait-elle. « Penser que l’on va tout faire parfaitement dès le départ, c’est présomptueux », soutient toutefois Anne-Sophie Levenez par la suite. En parallèle, l’une de ses tâches a été de contractualiser bon nombre d’achats, en formalisant par écrit les conditions des prestations de service, les obligations et responsabilités de chaque partie afin de défendre au mieux les intérêts de l’entreprise en cas de conflit avec un fournisseur.
Accompagnée par une collaboratrice en interne, qu’elle forme aux techniques de négociation et qui suit avec elle le projet d’implémentation de Pivot, cette dernière compte recruter un nouvel élément au cours de l’année 2024. Une année charnière, au cours de laquelle elle espère bien obtenir l’adhésion, être définitivement adoptée et considérée comme une alliée de premier ordre par ses collègues.
« Je ne connais aucune entreprise dans laquelle il est facile d’instaurer des process, d’imposer une contrainte et un changement. Tout n’est pas simple, bien-sûr, mais les relations que j’entretiens avec les prescripteurs sont bonnes. J’ai été extrêmement bien accueillie par les équipes. Comme je vous le disais, ne pas réussir tout du premier coup n’est en rien un échec. C’est, au contraire, tout à fait normal. Tout est à construire. Il faut faire les choses avec délicatesse ; le but à terme est avant tout de parvenir à acheter correctement. C’est en démontrant la valeur ajoutée des Achats, le support et la qualité de service qu’ils apportent, que le prescripteur reviendra vers nous et nous considérera comme un business partner à part entière. Si dans deux ans, chaque utilisateur adopte l’outil et que nous sommes contactés dans 70 % des cas, notre mission sera réussie ».