[Chronique 2/6] Le Sourcing à l’heure de la dé-mondialisation
Par Guillaume Trecan | Le | Direction ha
Le concept de dé-mondialisation heureuse et fluide a disparu à force de Covid, de montée des tensions géopolitique et de crise climatique. De nouvelles options de sourcing s’offrent aux directeurs achats, qui ne seront pas pour autant systématiquement celles de la relocalisation. Voici quelques pistes pour bien négocier ce virage de la dé-globalisation.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale nous vivons avec une ouverture commerciale globale croissante, appelée mondialisation, qui s’est matérialisée par le libre échange d’un bout à l’autre de la planète et qui a été facilitée par le développement des moyens de transport et des technologies de l’information. Les entreprises en ont tiré parti en développant le Low Cost Sourcing pour réduire les coûts et le Global Sourcing pour accéder à des matières dont la disponibilité locale est limitée.
Malheureusement, les économies des pays développés ont été affectées par les délocalisations des industries et des emplois, les salaires des classes moyennes ont baissé, et le trumpisme et ses lois protectionnistes ont vu le jour.
La guerre en Ukraine, les dysfonctionnements des chaînes d’approvisionnement pendant le COVID, la prolifération des régimes qui ne partagent pas les mêmes valeurs que nos pays occidentaux, sont autant d’événements récents venus rebattre les cartes.
Des échanges commerciaux moins fluides
En réaction, les Etats nations tentent de reprendre le pouvoir et la doctrine du Friend Shoring(1) relocalisation dans des pays amis, voit le jour aux Etats Unis. Les entreprises favorisent le développement des solutions locales et entament une transition lente mais constante vers un monde moins liquide. Nous appellerons cela la dé-globalisation.
Une étude récente(2) réalisée auprès de plus de 300 sociétés et investisseurs montre que les dirigeants considèrent que la Dé-globalisation est une réalité à adresser d’urgence. Repenser et ajuster les Supply Chain apparaît comme un des leviers d’action majeur. En pratique, quelles conséquences sur le travail des Dirigeants, et notamment des fonctions Achats ?
Comme souvent, le 100 % n’est ni souhaitable, ni envisageable. Il n’est pas possible de localiser 100 % des batteries au lithium par manque de capacité de production. De même, il semble compliqué de localiser complétement la production de poulet, à cause du risque de rupture par temps de grippe aviaire. Il faut trouver un point d’équilibre en se posant les bonnes questions, produit par produit, et en regardant sa Supply Chain d’un bout à l’autre.
Quelles sont donc les bonnes raisons pour dé-globaliser ?
- Réduire le risque de Supply passe désormais au premier plan des priorités des dirigeants, avant le prix.
- Repositionner l’offre sur des produits valorisés, car la dé-globalisation n’est pas uniquement un acte défensif. Elle est l’occasion de revaloriser l’innovation et la qualité exemplaire, qui font la force des pays développés.
- Agir en bonne entreprise citoyenne, réduire son empreinte carbone, créer des emplois en France et améliorer sa réputation.
Il faut bien évaluer ce qu’on est prêt à « payer » pour ce changement, notamment la hausse probable des coûts entrants, pas toujours compensée par la hausse des prix de vente.
En pratique, comment s’y prendre ?
- Conduire une évaluation des risques de sa Supply Chain afin de bien qualifier le périmètre du projet et les raisons pour lesquels on le fait
- Formaliser et chiffrer les scenarios possibles pour bien factualiser risques et opportunités
- Faire de la pédagogie, avant de passer à l’action. Expliquer raisons et conséquences, sans craindre d’énoncer les choses qui fâchent, comme la hausse possible des coûts entrants.
- Travailler le P&L dans son ensemble, avec toutes les parties prenantes et notamment le contrôle de gestion, afin d’aligner la nouvelle supply chain aux objectifs de l’entreprise.
Une fois seulement que tout cela est tiré au clair, le travail de Sourcing peut commencer. Il sera forcément accompagné d’un travail conjoint avec les autres fonctions, Marketing, la R&D, Opérations, Finance, etc., en fonction du secteur, pour travailler en commun les impacts sur le P&L, la communication ou le positionnement de la marque et de l’entreprise.
Nous développerons cela dans quelques semaines quand nous parlerons de Ressources, Compétences et Façons de travailler.
(1) Les Echos : Washington promeut un nouvel ordre commercial mondial avec le « friend-shoring »
(2) TENEO : Where is the World Going in 2023 and Beyond ? CEO and Investor Outlook Survey