Les grands projets franciliens vecteurs d’inclusion et d’insertion sociale
Par Mehdi Arhab | Le | Ha inclusif
Initié en mai dernier, l’Observatoire des grands projets franciliens s’est réuni le 5 décembre à la préfecture de la région Île-de-France afin de présenter les données consolidées de l’année 2021 et les perspectives 2023 et 2024 relatives aux engagements de la société du Grand Paris, de la Solideo, de la RATP et de SNCF Réseau en matière d’insertion des publics éloignés de l’emploi.
Après avoir promis d’exposer les données afférentes aux clauses sociales d’insertion issues de leurs marchés publics, les quatre grands donneurs d’ordres publics des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ainsi que du Grand Paris ont livré leur premier bilan. Une évidence, tant la livraison des ouvrages Olympiques, les chantiers de Grand Paris Express ou encore du CDG Express, constituent en effet « autant de chantiers et projets structurants d’une ampleur inédite » sur lesquels le sujet de l’insertion des populations précaires s’impose, a rappelé en introduction Pierre-Antoine Molina, secrétaire général aux politiques publiques. En 2021, ce sont au demeurant quelque 1,5 million d’heures d’insertion qui ont été relevées sur la totalité des grands projets franciliens, contre 1,3 million en 2020.
Un total qui représente pas moins de 25 % des plus de 6 millions d’heures d’insertion effectuées sur l’ensemble du territoire régional. Ces heures d’insertion réalisées l’année passée l’ont été par 2953 personnes, parmi lesquelles des femmes notamment, des jeunes de moins de 26 ans sans qualification professionnelle et des publics issus des Quartiers Politiques de la Ville. Depuis deux ans désormais, le nombre de bénéficiaires est en constante augmentation. Et pour cause, ils n’étaient que 1948 en 2019 et 2154 en 2020. « La montée en puissance depuis trois ans est nette », note Louise Vidal, cheffe de projet au sein de la Macs. En outre, les contrats générés, d’une durée de trois mois en moyenne vs 2,5 mois en moyenne sur le territoire francilien, comptent également pour une part importante, puisqu’ils représentent environ 21 % du total régional, soit près de 3300 contrats.
L’insertion des publics fragilisés ne cesse de croître
Rejoints prochainement au sein de l’Observatoire par Paris 2024 et l’Anru afin de faire ressortir leurs propres initiatives en matière d’insertion sociale liées respectivement à l’organisation des JOP 2024 et aux opérations de renouvellement urbain dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), les quatre donneurs d’ordres en ont profité pour dévoiler leurs objectifs à court terme.
La RATP surfe en ce qui la concerne sur une vague franchement prometteuse. Comme le fait savoir Frédéric Dupouy, son directeur du département études générales et développement des territoires, le groupe, qui intègre depuis dix ans désormais des clauses d’insertion dans ses marchés, a d’ores et déjà dépassé le nombre d’heures d’insertion programmé dans le cadre du prolongement de la ligne 14 du métro. « Nous avions prévu 674 000 heures d’insertion et nous en sommes à plus de 760 000. Nous devons désormais terminer les travaux et mettre en service la Ligne 14 ».
Nous avons dépassé 1,3 millions d’heures d’insertion en 2022, un résultat qui dépasse largement nos objectifs pour la seule construction d’Eole
Depuis 2011, 5 000 bénéficiaires ont réalisé 3,8 millions d’heures d’insertion. « Par ailleurs, nous développons nos achats auprès de structures de l’insertion et du handicap pour un montant de 2,7 millions d’euros. Nous poursuivons aussi l’intégration de clauses sociales dans nos marchés », a déclaré Frédéric Dupouy. SNCF Réseau, dont la puissance d’achats en Île-de-France s’établit chaque année à plus de deux milliards d’euros, ne veut pour sa part plus se contenter de collecter de façon brute le nombre d’heures d’insertion réalisées, mais plutôt se fonder sur des objectifs qualitatifs mieux pensés. « Nous avons dépassé 1,3 million d’heures d’insertion en 2022, un résultat qui dépasse largement nos objectifs pour la seule construction d’Eole (NDLR : RER E). Nous devons conserver la dynamique créée ; tout se joue désormais sur le terrain. Nous devons juger de la durabilité de l’emploi », a clamé le directeur général adjoint en charge des Grands Projets, Kian Gavtache.
Des résultats encourageants
Pour ce qui est de la Solideo, des objectifs précis et chiffrés lui ont été assignés. Elle doit ainsi réserver 10 % d’heures d’insertion pour les publics ciblés et rendre accessible 25 % du montant de ses marchés pour les TPE, PME et structures de l’ESS. De manière générale, la quantité d’heures d’insertion comptabilisée par la structure créée en 2018 a triplé, passant entre novembre 2021 et novembre 2022 de 395 000 heures à 1,4 millions d’heures d’insertion.
La Société du Grand Paris (SGP) a vu, quant à elle, le volume des heures travaillées dédiées aux publics éloignés de l’emploi doubler, passant de 5 à 10 % sur certains chantiers dont elle assure la maitrise d’ouvrage. Elle porte désormais un intérêt particulier à la trajectoire professionnelle de ses ouvriers. « Nous travaillons à la suite des parcours des personnes lorsque nos sites de génie civil sont achevés. Il nous faut maintenant réussir à attirer et intégrer des TPE et PME dans nos marchés », a développé Sandrine Goulet, directrice des relations extérieurs de la SGP.
Les Jeux Olympiques, un levier d’insertion
Paris 2024, société organisatrice des prochaines JOP et dont le montant d’achats s’élève à 2,5 milliards d’euros à répartir sur 17 familles différentes, s’est également embarqué dans une politique volontariste en termes d’achats responsables. Ses principaux engagements reposent sur cinq piliers : l’économie circulaire, la neutralité carbone, la création de valeur sur les territoires, l’innovation sociale et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Sur 1 800 entreprises référencées depuis quatre ans, près de 70 % sont des TPE/PME et plus de 260 prestations dans les marchés des Jeux ont été exécutées par des entreprises de l’ESS, dont 149 à destination de Paris 2024.
Se voulant exemplaires, les Jeux, qui se tiendront sur 39 sites de compétition, doivent être synonymes « d’acceptabilité sociale », affirme Gilles Verdure, responsable attractivité économique, sociale et territoires Impact et héritage du comité d’organisation des JOP. « La fête des Jeux olympiques ne sera pas réussie si les habitants ne se sentent pas véritablement partie prenante du projet. Nous ne pouvons arriver et envisager un événement hors-sol », a-t-il poursuivi. En ce sens, la société a signé une charte sociale comportant 16 engagements, dont la prise en considération des publics rencontrant des difficultés d’accès à une activité professionnelle.
Nous avons besoin d’intégrer tout l’écosystème de la restauration en France pour répondre à ces enjeux
Ainsi, deux de ses familles d’achats, à savoir la gestion des déchets et la logistique ainsi que les marchés de restauration, de nettoyage et de sécurité contiennent 10 % de clauses sociales, avec une négociation de gré à gré. « Ce sont nos familles d’achats les plus importantes, notamment en termes d’emploi … Près de 45 000 repas par jour seront livrés aux 10 500 athlètes et 3500 athlètes paralympiques dans le village olympique. Nous avons besoin d’intégrer tout l’écosystème de la restauration en France pour répondre à ces enjeux » a-t-il expliqué. À titre d’illustration, Sodexo, qui s’est vu confier la restauration des athlètes engagés aux Jeux à l’été 2024, s’est engagé à mobiliser 15 % de personnels fragilisés sur le site du village olympique.
Un modèle hybride et particulier
Contrairement à ce qui se fait traditionnellement, le comité d’organisation des JOP de Paris ne livrera pas l’intégralité des infrastructures sportives. En effet, un certain nombre de sites seront vraisemblablement fournis par des opérateurs extérieurs spécialisés, tels que la Fédération française de Tennis pour les compétitions masculine et féminine qui auront lieu sur les courts de Roland-Garros ou encore au groupe ASO pour les épreuves cyclistes sur route. Dès lors, un pan des achats passera forcément par ces acteurs externes, en lien, bien-sûr, avec les ambitions du comité d’organisation.