Quelques clés pour mieux maîtriser ses délais de paiement
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
Au cours d’une table ronde organisée par Esker, éditeur français d’une solution sur le cycle order to cash, des intervenants sont revenus sur la manière de sécuriser son écosystème clients et fournisseurs dans l’optique de mieux maîtriser ses délais de paiement.
Face à des dérives dans les relations donneurs d’ordres fournisseurs, la crise de 2008 avait poussé la France à renforcer son arsenal juridique et la réglementation en matière de délai de paiement en faisant passer le délai légale de 90 à 60 jours.
Ainsi, désormais, le délai de paiement est établi, par principe, au 30ème jour suivant la réception des marchandises ou l’exécution de la prestation. Mais ce délai peut tout de même dépasser les 30 jours, sans pour autant dépasser 60 jours à partir de la facturation (ou 45 jours fin de mois) s’il est précisé dans le contrat. En revanche, « à l’international, les délais de paiement ne sont pas plafonnés par le législateur », comme le rappelle Simon Hotte, avocat au sein du cabinet Fidal, intervenant pour l’occasion.
Une situation (encore) sous contrôle
Comme le fait remarquer Gilles Lambert, product marketing Manager d’Altares, bien que le niveau d’avant crise n’ait pas été retrouvé sur le territoire hexagonal, les comportements en matière de paiement tendent à retrouver un niveau plus que convenable. Les postures des organisations professionnelles s’améliorent sensiblement. « Alors que certains prévoyaient un tsunami de défaillances en France, les entreprises ont finalement contenu la crise. Mieux encore, le nombre de défaillance a baissé. En ce qui concerne les délais de paiement, les comportements se rapprochent de ceux d’avant crise », confirme Gilles Lambert, qui se pose tout de même cette question : quelle serait la marge de manœuvre des États à supposer que la crise perdure ?
Par ailleurs, les nouvelles obligations légales visant à dématérialiser les factures devraient permettre aux entreprises, selon toute apparence, d’améliorer et d’optimiser une grande partie de leurs processus financiers. La dématérialisation des factures permettra également de réduire considérablement la charge administrative ; sans oublier le coût de traitement. Les gains de productivité et la diminution des coûts associés ne devraient être que plus grands.
La connaissance comme clé de voûte
Du côté fournisseur/prestataire, dans le cadre du démarrage contractuel avec un client, il est impératif de connaître son tiers, pour s’assurer par exemple que la personne ayant signé le contrat soit bien le représentant légal dudit contrat ou alors dépositaire d’un pouvoir à ce sujet. « C’est typiquement le genre de choses qui doivent être vérifiées dans l’optique compliance et lutte anticorruption. La question autour de l’identité du client est très importante, avant même de creuser la question des délais de paiement », note Simon Hotte. Ainsi, s’informer au préalable permet de s’éviter des charges sur des dossiers complexes.
Demander à ce qu’une garantie bancaire soit constituée par l’acheteur est aussi envisageable, tout en négociant des délais de paiement corrects
En outre, en plus d’en connaître davantage sur son identité, reste à savoir pour le fournisseur si le client est solvable, compte des actifs saisissables en France, lorsque celui-ci est établi à l’étranger. « Dans l’hypothèse où la relation conduit à un litige et à une décision exécutoire française contre le client basé à l’étranger, il est bien entendu plus facile de saisir des biens en France que dans un pays lointain », développe l’avocat. S’agissant des délais de paiement, le plus important reste, là aussi au démarrage de la relation contractuelle, de réclamer un paiement d’avance ou, a minima, un acompte et de subordonner l’expédition de la dernière partie de l’acompte. « Demander à ce qu’une garantie bancaire soit constituée par l’acheteur est aussi envisageable, tout en négociant des délais de paiement corrects », ajoute Simon Hotte, qui rappelle que la non-conformité aux délais de paiement peuvent occasionner des sanctions lourdes.
La notion de risque reste fondamentale
Jean-François Dugua, Alliance manager chez Esker, pointe la nécessité d’avoir la capacité de mesurer dans les meilleures conditions et en temps réel les comportements en matière de paiements des acheteurs. « Une solution de digitalisation offre la capacité de mesurer le risque dès la réception d’une commande. Dès lors, il sera possible de mesurer l’encours du client, le risque qui se pose sur cet encours et visualiser une balance âgée (…) L’accès à la data est fondamental pour agir rapidement », assure-t-il.
Il ne faut pas oublier que 80 % des impayés proviennent de clients existants. Évaluer les risques à l’entrée commerciale ne suffit plus
« Il est nécessaire de se montrer très réactif, encore plus qu’avant sans doute », abonde Gilles Lambert, qui tempère néanmoins son propos : « il ne faut pas oublier que 80 % des impayés proviennent de clients existants. Évaluer les risques à l’entrée commerciale ne suffit plus ». Pour prévenir d’éventuels risques, Simon Hotte préconise de prévoir contractuellement des clauses pour revoir les niveaux d’encours autorisés ainsi que les délais de paiement et d’autres conditions sécurisant les paiements.
La supply chain finance comme atout
Par ailleurs, pour Jean-François Dugua, créer un écosystème entre clients et ses fournisseurs de façon à fluidifier les flux de trésorerie ne peut être que bénéfique. « La mise en place de solution avec son panel fournisseurs, de type reverse factoring, donne aux fournisseurs la capacité de vendre leurs créances à une institution financière et de faire bénéficier aux acheteurs de délais plus importants », clame-t-il. Cela générera de fait un effet de cash instantané. « Tout le monde est gagnant », assure Jean-François Dugua.