Ecovadis : « Nous allons dépasser cette année les 100 M$ de revenus récurrents »
Par Guillaume Trecan | Le | Décisionnel
Pierre-François Thaler, président et co-fondateur de la plateforme d’évaluation RSE Ecovadis vient de lever 500 millions de dollars. Avec près de 100 000 entreprises évaluées représentant 1 500 milliards d’euros d’achats couverts, il estime sa profondeur de marchés encore très importante au regard des 3 à 5 milliards d’entreprise revendiquées par les réseaux fournisseurs des leaders du SI achats.
Qui sont les partenaires financiers qui vous soutiennent dans cette nouvelle levée de 500 millions de dollars ?
Il y a deux ans, le fond CVC Growth Partners avait investi 200 millions de dollars dans Ecovadis. Cette fois, nous avons cherché à avoir à nos côtés des grands fonds internationaux représentant nos trois grandes zones géographiques de développement. Pour l’Europe, c’est le fonds français Astorg. C’est un de nos premiers clients, avec qui nous travaillons depuis deux ans sur une nouvelle activité dans le Private Equity. Pour l’Amérique, c’est le fonds General Atlantic, qui a investi chez des leaders tels que Airbnb, Facebook, ou encore Uber et qui investit chez nous avec son nouveau fonds BeyondNetZero, dédié aux technologies de rupture dans la transition climatique. Le troisième fonds à nos côtés est le fond souverain de l’Etat de Singapour, GIC Private Limited.
Nous comptons près 800 donneurs d’ordres cumulant un volume d’environ 3 000 milliards de dollars d’achats
Quels sont les chiffres clefs d’Ecovadis en termes de revenus et de base clients ?
Nous allons dépasser cette année les 100 millions de dollars de revenus récurrents. Cela nous vaut d’être donc désormais classés dans la catégorie des « centaures » et plus seulement celles des « licornes », réservée aux entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars. Nous comptons près 800 donneurs d’ordres cumulant un volume d’environ 3 000 milliards de dollars d’achats, dont la moitié sont couverts par des évaluations Ecovadis. Nous avons évalué 95 000 entreprises dans le monde dans 150 pays.
Quelle est votre surface commerciale à l’international ?
Notre premier pays reste la France, où nous avons commencé en 2007, avant de nous étendre en Europe, puis en Amérique du Nord et en Asie. Ces cinq dernières années, notre priorité est allée à l’Amérique du Nord. Lorsque nous avons commencé à nous implanter aux Etats-Unis il y a sept ans, nous avons rencontré des difficultés, ne serait-ce que parce que notre marque n’y était pas connue et que c’est un pays où il est très difficile de partir de zéro. La maturité des entreprises américaines sur le sujet de la RSE était également faible. La montée de la finance responsable a changé la donne et nos efforts pour nous faire connaître ont fini par payer.
Nous nous concentrons maintenant sur l’Asie, qui a toujours été un de nos marchés les plus importants pour ce qui des entreprises évaluées. Nous avons également signé d’importants contrats avec des donneurs d’ordres, notamment au Japon, où nous venons d’ouvrir un bureau, ainsi qu’à Singapour. Nous avons en tout treize bureaux dans le monde.
Nous devons nourrir notre croissance qui va s’accélérant. Elle sera proche de 50 % cette année, après 30 % l’an dernier
A quels axes de développement allez-vous consacrer les 500 millions de dollars que vous venez de lever ?
Notre premier besoin concerne le développement international. Nous avons actuellement 400 postes ouverts au recrutement et nous employons 1 300 personnes, basées à 50 % en Europe, 25 % aux Etats-Unis et 25 % en Asie. Nous disposons encore d’une grande profondeur de marché, si l’on considère que nous avons évalué un peu moins de 100 000 entreprises et que les réseaux fournisseurs des leaders du SI Achats comptent entre trois et cinq millions d’entreprises. Nous devons nourrir notre croissance qui va s’accélérant. Elle sera proche de 50 % cette année, après 30 % l’an dernier et 20 % il y a trois ans. Notre deuxième axe de développement est technologique. Nous sommes en train de développer notre équipe R&D, constituée actuellement de 300 personnes et basée essentiellement en Pologne.
Enfin nous devons nourrir nos ambitions de croissance externe. N’ayant pas réellement de concurrent, il ne s’agira pas d’opération de consolidation mais un écosystème de startups se développe qui propose des solutions innovantes sur des thèmes particuliers comme le carbone, la transparence dans les supply chain, ou encore la diversité… Nous sommes très attentifs à ces nouveaux acteurs, dans l’optique d’enrichir notre plateforme avec des outils qui permettent d’approfondir certains sujets ou de régler certaines problématiques.
Quelles sont les dernières évolutions de l’offre d’Ecovadis ?
Nous avons lancé il y a deux ans un produit doté d’intelligence d’artificielle, appelé IQ, qui permet de scanner automatiquement des portefeuilles de dizaines de milliers de fournisseurs et de faire un premier niveau de profiling et d’évaluation des risques. L’an dernier, nous avons lancé un autre produit appelé Carbon Action Module, qui permet d’agir plus en profondeur sur l’empreinte carbone et de progresser, avec notamment des calculateurs carbone et des formations en ligne. Depuis le lancement de cette offre il y a neuf mois, 15 000 entreprises ont déjà utilisé notre score card carbone.
En neuf mois, nous aurons sans doute plus d’entreprises notées sur l’impact carbone que les clients du Carbon Disclosure Project
Quel est le business modèle de cette nouvelle offre ?
Cette évaluation est pour l’instant intégrée dans le coût de l’évaluation Ecovadis pour les fournisseurs. Au vu des urgences, nous ne voulions pas attendre que les donneurs d’ordres nous demandent de faire évaluer leurs fournisseurs. En neuf mois, nous aurons sans doute plus d’entreprises notées sur l’impact carbone que les clients du Carbon Disclosure Project, qui existe pourtant depuis quinze ans. Les donneurs d’ordres bénéficient aussi d’outils d’analyse, de benchmark et de reporting sur le sujet.
Vous avez également lancé une diversification dans le secteur de la finance.
Notre activité reste très majoritairement centrée sur l’évaluation RSE des supply chain. Mais nous avons constitué la première base de données mondiale sur les performances RSE des entreprises privées et, partant de ce constat, nous développons toute une série de nouvelles verticales. Nous avons créé une nouvelle plateforme qui permet aux fonds de private equity d’évaluer la performance RSE des entreprises dans lesquelles elles investissent et de s’assurer que cette performance progresse, ce qui améliorera la valeur de revente de l’entreprise.
Plusieurs banques comme BNP Paribas ou encore ING utilisent Ecovadis pour évaluer leurs clients PME et leur proposer des prêts bonifiés
Nous démarrons aussi une activité de supply chain finance. Nous avons signé des partenariats avec BNP Paribas, JP Morgan, City ou encore Taulia, à qui nous fournissons les notes RSE pour permettre aux entreprises les mieux notées de bénéficier de meilleurs taux de crédit et de délais de paiement raccourcis. Enfin, plusieurs banques comme BNP Paribas ou encore ING utilisent Ecovadis pour évaluer leurs clients PME et leur proposer des prêts bonifiés.
Quelle place occupent les partenariats dans le développement d’Ecovadis ?
Nous avons connu une explosion des demandes de partenariats. Sur la seule année 2021, nous en avons reçu 140. A ce jour, nous en avons mis en place une quarantaine, avec tous les éditeurs de solutions e-achat ; de grands cabinets tels que Bain ou encore Accenture ; des plateformes fintech comme Taulia ; des entreprises technologiques comme Microsoft. C’est un de nos partenaires les plus engagés. Nous fournissons des datas RSE à leur nouvelle solution Microsoft Cloud for Sustainability. Nous avons également annoncé avec SAP un partenariat, en vertu duquel nous mettons les notes Ecovadis à disposition sur le Business Network qui rassemble toutes les entreprises connectées à leurs applications.
La guerre des talents peut-elle constituer un frein à votre développement ?
Effectivement. Il y a quelques années, nous étions une des seules entreprises à offrir des carrières dans la RSE alors qu’un très grand nombre de jeunes diplômés affluait dans ce secteur. C’est toujours le cas, mais aujourd’hui beaucoup d’entreprises cherchent à les recruter, telles que PWC, Salesforce, Microsoft… Mais nous avons acquis une belle visibilité et, l’année dernière, nous avons tout de même reçu 15 000 candidatures spontanées.
Il y a un décalage de maturité très important entre les PME avec lesquelles nous travaillons et les demandes de plus en plus détaillées des donneurs d’ordres
Quels autres défis peuvent se dresser face à vos ambitions de croissance ?
Nous devons continuer à enrichir notre offre pour répondre aux nouvelles exigences des clients et aux évolutions réglementaires, tout en conservant de la simplicité. Il y a un décalage de maturité très important entre les PME avec lesquelles nous travaillons et les demandes de plus en plus détaillées des donneurs d’ordres. Lorsque nous avons lancé notre Carbon Action Module, nous nous sommes aperçus que seuls 15 % des fournisseurs de nos clients étaient capables de fournir des données sur les scope 1 et 2.