Naos mise sur la collaboration pour améliorer la traçabilité de sa chaîne d’approvisionnement
Par Mehdi Arhab | Le | Éthique et conformité
À l’instar du groupe Rocher et des Laboratoires Expanscience, Naos a rejoint le consortium TRASCE pour améliorer la traçabilité de leur chaîne d’approvisionnement. Le groupe avait déjà développé de nombreux moyens pour se prémunir des risques et peut désormais approfondir sa démarche au sein de l’alliance qui regroupe de nombreux grands noms du secteur. Explications de Stéphane Faustin-Leybach, directeur achats du groupe Naos.
Le consortium TRASCE, pour TRaceability Alliance for Sustainable CosmEtics vient d’accueillir de nouveaux éléments dans ses rangs. Constituée sous l’impulsion de Chanel, l’alliance a annoncé tout récemment l’arrivée du groupe Rocher, de Naos et des Laboratoires Expanscience comme nouveaux membres réguliers du consortium. À l’origine, ils étaient quinze acteurs de l’industrie des cosmétiques à s’unir pour améliorer sensiblement la traçabilité de leur chaîne d’approvisionnement des composants clés des formules et des emballages de la filière. Appuyé par la FEBEA, la fédération des entreprises pour la beauté, le consortium s’est engagé depuis plusieurs mois dans un projet d’envergure : celui de transformer durablement les pratiques des filières.
Il est difficile d’être en mesure d’obtenir de la part de nos fournisseurs une forme de transparence et de tracer les fournisseurs de nos fournisseurs
Ce travail pour gagner en visibilité sur ses chaînes d’approvisionnement et aider les filières à se réinventer, Naos le mène depuis bien des années sous l’impulsion de son directeur des achats, Stéphane Faustin-Leybach. Outre la réduction des dépenses, à la fois à travers la recherche d’économies, la sobriété, le redesign to cost, ou encore le redesign to value, la sécurisation des sources d’approvisionnement constitue pour ses équipes et lui un enjeu prioritaire. Le développement durable et l’achat responsable le sont également. Mais il est parfois difficile pour Naos d’obtenir toute la traçabilité de ses fournisseurs. Et influencer les stratégies d’achats de ses fournisseurs qui, pour certains, pèsent plusieurs milliards d’euros ou de dollars de chiffre d’affaires, est plus que compliqué. « Notre puissance financière et d’achat n’est pas assez importante pour peser sur certains de nos fournisseurs. De fait, il est difficile d’être en mesure d’obtenir de leur part une forme de transparence et de tracer correctement les fournisseurs de nos fournisseurs », explique Stéphane Faustin-Leybach.
Main dans la main pour avancer
Au sein du consortium, Naos pourra poursuivre ses efforts et avancer. Le groupe a désormais avec lui de nombreux donneurs d’ordres qui partagent les mêmes enjeux, besoins et problématiques. « Nous avons sur de nombreux sujets les mêmes besoins en matière de traçabilité sur nos achats de matières premières et de packaging », souffle Stéphane Faustin-Leybach. Intégrer le consortium TRASCE est donc pour ce dernier une opportunité, d’autant que le renforcement de la réglementation publique, locale et internationale, à l’instar de la Directive Européenne sur le Devoir de vigilance ou du Règlement Européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, rappellent aux premiers donneurs d’ordre leurs obligations.
Et si la pression réglementaire qui pèse sur Naos (et d’autres donneurs d’ordre donc) a beaucoup compté dans l’envie d’unir ses forces, les situations de rupture et de pénurie, liées à la crise Covid entre autres, ont poussés le groupe à agir autrement. Les achats de production, matières premières, emballages et sous-traitants représentent plus de 60 % du périmètre du département qu’il pilote. Et les actifs purs que le groupe achète sont produits par un petit nombre de chimistes. De fait, Naos est soumis à un fort taux de monosource sur certaines de ses matières premières.
La transparence, un terme qui n’est pas galvaudée
Nos fournisseurs stratégiques ont fourni beaucoup d’efforts pour répondre à nos questions.
Et tout comme les autres membres du consortium, Naos s’est heurté à diverses difficultés en 2022 mais aussi au moment de tenter de cartographier pleinement sa chaîne d’approvisionnement en raison de sa complexité et d’un manque certain de visibilité. « Comme beaucoup, nous nous sentions un peu seuls et vite limités devant ce besoin de cartographier nos chaînes d’approvisionnement. Nous n’arrivions pas toujours à déterminer l’origine et la technologie de certaines matières. Nos fournisseurs stratégiques ont fourni beaucoup d’efforts pour répondre à nos questions. Nos relations ont gagné en transparence avec eux ces dernières années et nous obtenions de leur part des informations utiles ; toutefois, agir à plusieurs fait bien plus sens », estime Stéphane Faustin-Leybach.
Au demeurant, cette notion de transparence irrigue le quotidien du groupe Naos depuis bien longtemps. L’entreprise a instauré de nombreuses démarches en la matière ; la plus emblématique étant le lancement de Ask.NAOS, une plateforme digitale mise à disposition des consommateurs en libre accès qui décrypte en détail la composition des produits des marques de l’entreprise. « Si nous voulons être transparents vis-à-vis d’eux, il faut que nos fournisseurs le soient avec nous », résume simplement Stéphane Faustin-Leybach.
Nos relations ont toujours été exigeantes mais surtout bienveillantes et cela nous avait justement permis de gagner en transparence
Le groupe a de fait toujours veillé à entretenir des relations de bonne qualité avec ses tiers fournisseurs. Lorsque les crises successives sont apparues, son directeur des achats a tout mis en œuvre pour que l’entreprise demeure un client préférentiel de ses fournisseurs, ne changeant rien à sa façon de travailler avec eux. Des rencontres ont dès lors été organisées pour accroître la dimension stratégique des relations et permettre à Naos de sécuriser une partie de ses approvisionnements. « Nous ne pouvions tout avoir, pour des cas de force majeure, mais nous avons été bien servis. Nos relations ont toujours été exigeantes mais surtout bienveillantes et cela nous avait justement permis de gagner en transparence à un moment où il était important d’en avoir », se félicite Stéphane Faustin-Leybach.
Les membres fondateurs de l’alliance ont abattu un travail très important et nous sommes en phase avec les priorités qu’ils ont définies
De fait, son désir d’approfondir les connaissances des filières du secteur de la cosmétique pour les accompagner vers un modèle plus durable et résilient a été nourri, en partie. Et le consortium lui donne de nouveaux moyens pour assouvir ses ambitions en la matière. « Les membres fondateurs de l’alliance ont abattu un travail très important et nous sommes en phase avec les priorités qu’ils ont définies », explique le directeur des achats de Naos.
Des outils qui permettront d’être plus efficace
Nous devons comprendre comment certaines matières sont extraites ou transformées et savoir comment agir pour réduire notre impact sur la planète
Comme les autres membres de l’alliance, il pourra désormais compter sur la plateforme digitale portée par ISN, Transparency-One, pour assurer la traçabilité de sa supply chain amont. Cet outil, déjà utilisé et très apprécié de plusieurs grands acteurs de l’industrie automobile et agroalimentaire, lui sera d’une grande aide. « Nous n’avions qu’Excel pour adresser le sujet. Nous parvenions à remonter profondément dans la chaîne par instants et au fur et à mesure que nous récoltions de l’information, nous pouvions alimenter nos documents. Cela nous a aidé pour agir et nous prémunir de certains risques, mais il nous fallait passer un cap car notre niveau de connaissance sur certaines filières n’est pas assez large et les datas évoluent et sont complexes à mettre à jour à la main. Nous devons comprendre comment certaines matières sont extraites ou transformées et savoir comment agir pour réduire notre impact sur la planète », explique Stéphane Faustin-Leybach.
Celle-ci permet au demeurant aux fournisseurs de ne plus communiquer leurs informations à de multiples reprises, la plateforme leur offrant l’opportunité de le faire qu’une seule et unique fois. « Nous devons nous mettre à leur place pour leur faciliter les choses. Il n’est en rien intéressant pour eux comme pour nous de leur soumettre tout un tas de questionnaires dans lesquels nous leur demandons plus ou moins la même chose. Les donneurs d’ordre du secteur ont des besoins similaires, achètent parfois les mêmes matières et aux mêmes fournisseurs. Si nous voulons d’eux un minimum de transparence, autant leur simplifier la vie », fait savoir Stéphane Faustin-Leybach.
In fine, Naos sera maintenant en mesure de consolider son approche et pourra interpréter aux mieux les données collectées pour définir des plans de progrès. « C’est important d’en connaître davantage, mais le plus important, c’est de pouvoir améliorer l’existant et de s’engager dans une démarche qui le permette. », soutient Stéphane Faustin-Leybach. Ce dernier s’affiche d’ailleurs comme très volontaire en matière de décarbonation. Il a engagé en ce sens un programme très marqué en la matière. Un impératif pour ce dernier qui rappelait dans nos colonnes déjà, en février 2023, que plus de 60 % de l’empreinte du scope 3 provient des achats. Pour accompagner les ambitions de neutralité du groupe à horizon 2050, une task force Carbone menée par les Achats a déployé ou prévoit de déployer de nombreux projets. « Un exemple parmi d’autres, nous étudions avec nos fournisseurs de nouvelles technologies et nouveaux moules pour réduire de manière significative la quantité de plastique que nous utilisons », indiquait-il à cet effet.