La digitalisation des process achat, une démarche capitale pour apporter de la valeur
Par Mehdi Arhab | Le | Si ha
Le Club Planète Sourcing a réuni ce lundi 7 novembre à Paris une vingtaine de directeurs et directrices achats grands groupes. Ces derniers sont notamment revenus sur ce que représente la digitalisation des Achats en matière de gain, de productivité accrue et de création de valeur.
Alors que de nombreuses lignes de métiers des entreprises françaises surfent sur la vague de la transformation numérique, la digitalisation des Achats pose encore question. Si pour certains elle apparaît comme un incontournable, d’autres ne s’y sont toujours pas essayés, au risque de se priver d’un avantage concurrentiel. La fonction finance voit par exemple l’automatisation de tâches chronophages et à faible valeur ajoutée comme une bénédiction, rendant quelques-unes de ses missions plus fluides. De fait, la fonction Achats ne semble plus avoir d’autre choix que d’accepter que les nouvelles technologies (RPA, chatbot …) s’invitent dans son quotidien. Et sans doute pour son (plus grand) bien.
Bien comprendre le rôle des technologies
Les RPA, pour Robotic Process Automation, permettent d’exécuter de manière automatisée une série d’actions préprogrammées, en suivant des règles prédéfinies. Ces technologies permettent « d’industrialiser » des tâches fréquentes, chronophages et à faible valeur ajoutée. Ces missions portent notamment sur la validation des demandes d’achats, la centralisation des échanges avec les tiers fournisseurs et le traitement de leurs factures.
Les cas d’usage sur l’utilisation de l’IA dans les Achats ne sont pas évidents à identifier
Néanmoins, les cas d’usage ne courent pas les rues, notamment pour ce qui est de l’utilisation de l’IA dans les Achats. « Les cas d’usage sur l’utilisation de l’IA dans les Achats ne sont pas évidents à identifier qu’il n’y paraît, à l’inverse du niveau customer », constate Ambroise Boisivon directeur opérations performance strategy de KPMG, qui intervenait en qualité d’expert.
Comprendre les enjeux de la digitalisation pour bien établir les process à automatiser
La digitalisation des Achats est censée offrir de l’efficience aux équipes et, par ricochet, de l’optimisation pour ce qui concerne les coûts opérationnels d’une part et financiers d’autre part. « L’enjeu reste de rendre les choses plus rapides et simples pour nos collaborateurs, mais aussi plus sûres, car les interventions humaines dans des tâches répétitives peuvent être synonymes d’erreurs », rappelle le directeur des achats d’un grand réseau bancaire. « L’objectif est de soulager les collaborateurs et de les orienter sur des tâches à plus forte valeur ajoutée », acquiesce la directrice achats IT d’un groupe de la grande distribution.
Mais avant toute chose, pour plonger dans le grand bain, faut-il encore établir une méthodologie claire de transformation. « Avant de s’outiller, il est important d’écrire ses processus et procédures de travail pour alimenter les outils », décrit un directeur en charge de la transformation des process de la fonction. Un impératif pour plusieurs bonnes raisons : l’identification des parties prenantes dans le projet et l’établissement d’un accompagnement adapté. Ainsi, réaliser un état des lieux et cartographier les enjeux et les process à simplifier, fluidifier et mécaniser permettra de mettre en œuvre un SI achats le plus adapté qui soit.
Il est nécessaire de bien connaître ses process et de les écrire, car mieux nous les répertorions et les cartographions, mieux nous pourrons identifier là où nous pêchons
« Il est nécessaire de bien connaître ses process et de les écrire, car mieux nous les répertorions et les cartographions, mieux nous pourrons identifier là où nous pêchons. Il faut se cadrer pour être en mesure d’avoir des robots fonctionnels », indique une responsable achats en charge de la performance et du pilotage de la fonction dans son entreprise.
De la Data en nombre pour faire bon usage des RPA
Pour bien prendre le virage de la digitalisation, les Achats devront obligatoirement capitaliser sur la data. « Nous avons besoin de données pour exploiter au mieux nos outils », confirme l’un des convives. La question du volume est également au centre des attentions, cela alors que certaines tâches complexes, fastidieuses ne sont finalement que cycliques et peuvent forcément être automatisées. « Sans data, il est difficile de rendre la technologie opérationnelle », note Julien Barthélemy, Value Advisory Director sur la ligne métiers Achats de SAP et ancien directeur des achats Europe de Microsoft.
Par ailleurs, une fois la Data récoltée, celle-ci peut s’avérer inexacte ou non exhaustive. Dès lors, la valeur ajoutée des technologies ne pourra être réellement pertinente. « La qualité des données exploitées doit être au rendez-vous pour que le projet fasse sens », lance l’un des invités.
Le meilleur outil de la conduite du changement reste la communication
Malgré les gains de productivité qu’apportent les RPA, certaines résistances en interne peuvent se manifester. Les projets de digitalisation sont non seulement des projets d’investissement non négligeable d’un point de vue économique, mais constituent souvent une véritable révolution culturelle.
Le ROI ne réside pas dans la technologie, mais bien dans l’utilisation et la montée en compétences des collaborateurs
Si pour certains la conduite du changement n’est qu’une simple formalité, pour d’autres, elle est bien plus difficile à encaisser. Un personnel mal formé n’aura pas la capacité d’analyse suffisante. « Le ROI ne réside pas dans la technologie, mais bien dans l’utilisation et la montée en compétences des collaborateurs », insiste Ambroise Boisivon.
Dès lors, communiquer auprès des parties prenantes tout au long du déploiement et de l’implémentation de la (ou des) solution est déterminant pour obtenir l’adhésion de tous. « Il ne faut pas nier que nous n’avons pas tous la même sensibilité sur l’usage d’outils digitaux. Le meilleur moyen de réussir un projet de ce type est de communiquer, communiquer et encore communiquer », argue l’une des convives.
L’humain ne perdra pas la main
En ce sens, bien poser les objectifs de la digitalisation est indispensable. Tout comme le fait d’impliquer les utilisateurs tout au long de l’implémentation du SI, pour leur démontrer la force que peut constituer leur binôme avec le robot. « La machine ne remplacera jamais l’humain, elle apporte seulement sa puissance de calcul pour générer de la performance. L’acheteur, sur la base des informations qui lui sont communiquées, aura toujours le loisir de prendre la décision. La machine est là pour consommer l’information, la structure et la fournir », explique Alain Biancardi, haut dirigeant d’Icertis.
Un moyen de fidéliser ses équipes
Alors que les tensions sur le marché de l’emploi sont de plus en plus importantes et que les taux de turn over explosent, la digitalisation des process achats peut être finalement un bon moyen de fidéliser ses plus beaux talents. Éviter les tâches administratives et répétitives sans intérêt ne peut qu’aider à garder nos collaborateurs. « Il s’agit de leur donner du sens et le meilleur moyen reste de leur proposer des missions qui en ont », souligne Julien Barthélémy. « Il faut vivre avec son temps et ne pas se refuser à profiter d’évolutions et de bénéfices dont les concurrents tireront parti », approuve un directeur achats.
Les Achats, parents pauvres des investissements SI
Une fois ces constats posés, force est de constater malgré tout que les Achats ne constituent pas la priorité des directions générales pour ce qui est des investissements en matière de SI. La fonction finance et les ventes sont souvent privilégiées et avantagées. « Une étude menée par KPMG en 2019 montrait bien que les directions achats n’étaient pas les plus considérées par les dirigeants d’entreprise pour ce qui est de la digitalisation », confirme Ambroise Boisivon.