Technicolor : « Nous avons choisi de prendre un virage en optant pour une approche Best of Breed »
Par Guillaume Trecan | Le | Si ha
Cédric Le Savéant a pris la tête d’une direction achats groupe réorganisée chez Technicolor, une réorganisation « 100 % humaine » qu’il a accompagnée par une feuille de route « 100 % digitale », tendant à sortir de la voie toute tracée des suites Source to Pay pour plonger dans le monde passionnant des solutions pointues.
Les achats directs ont été détachés en 2019 de l’organisation achats groupe de Technicolor, dont vous avez pris la tête. Qu’est-ce qui a justifié ce choix décentralisateur ?
Jusqu’en en 2019 les achats de Technicolor étaient organisés en direction achats groupe, couvrant achats directs et indirects. En 2019, nous avons fait évoluer ce modèle en décentralisant les achats directs des divisions qui fabriquent des produits : la division Maison connectée fabrique des modems et des décodeurs et la division Home Entertainment Services qui fabrique des DVD, Blue Ray et Vinyles. La problématique de ces achats directs étant très orientée approvisionnement de composants électroniques, semi-conducteurs et matériaux, ces acheteurs ont donc été directement placés dans la supply chain. Une organisation achats baptisée Group Sourcing & Procurement (GSP) a par ailleurs été créée pour les achats indirects et l’ensemble des achats de la division Creative Studios (effets spéciaux, pré-production, animation, gaming), dont j’ai pris la tête en novembre 2020. Cette organisation couvre aussi bien l’amont des achats (négociation, contractualisation, stratégies, innovation…) et la partie PtoP, dont je suis responsable pour l’ensemble du groupe. Notre organisation est aussi responsable du choix des outils transversaux d’achat.
Comment se répartissent désormais les montants d’achats du groupe ?
Le montant total des achats du groupe est de plus ou moins trois milliards d’euros suivant les années. Les achats directs de la division Home Entertainment Services représentent moins de 10 % de nos achats avec un petit nombre de fournisseurs, ceux de la division Connected Home représentent les deux tiers de nos achats en valeur, avec un nombre assez limité de fournisseurs. Les achats indirects (hors produits) et achats de la division Creative Studios s’élèvent autour de 700 millions d’euros avec plus de 10 000 fournisseurs, 300 fournisseurs couvrant 80 % des achats.
Au sein de mon équipe, une dizaine de personnes se consacre à la transformation digitale et au support aux outils
… et les effectifs achats ?
La population totale de 90 personnes aux Achats a été répartie en une dizaine d’acheteurs sur la division Home Entertainment Services, une quarantaine sur la partie Maison connectée et une quarantaine au sein de l’organisation Group Sourcing & Procurement, dont une vingtaine a été recrutée depuis 2020. Au sein de mon équipe, une dizaine de personnes se consacre à la transformation digitale (deux personnes) et au support aux outils (huit personnes en Inde). Trois directeurs achats se consacrent aux business unit, avec la fonction de BU Engagement Lead. Ils gèrent la relation et la stratégie par rapport à la business unit.
Vous avez lancé un programme de transformation digitale en parallèle de cette transformation organisationnelle. Quels sont les grands axes de votre feuille de route digitale ?
Nous avions implémenté Coupa en 2015 sur le PtoP. Il est désormais déployé sur l’ensemble des divisions, dans tous les pays. Notre stratégie consiste à étendre l’utilisation de Coupa sur la partie facturation et paiement. Sur la partie sourcing, où nous utilisions Jaggaer, nous avons choisi de prendre un virage en optant pour une approche Best of Breed, notamment dans l’optique de bénéficier d’une meilleure interface utilisateur. Nous avons démarré par la colonne vertébrale, la performance achats, que nous avons choisi de monitorer avec SpendHQ (Per Angusta) en juillet 2021, afin de porter les projets sourcing, la collaboration et la performance.
Les suites Source to Pay couvrent le process achats de bout en bout, mais elles n’excellent nulle part
En quoi cette question de l’expérience utilisateur est-elle devenue un critère de choix déterminant ?
En analysant le marché, nous avons trouvé des propositions beaucoup plus pointues dans les solutions Best of Breed. Les suites Source to Pay couvrent le process achats de bout en bout, mais elles n’excellent nulle part. De fait leur promesse End To End est une fausse promesse. Ce que nous faisons avec nos fournisseurs sur la partie sourcing est très différent de ce que nous faisons sur la partie transactionnelle. Sur la partie sourcing, où il est plus question de collaboration et d’agilité, nous n’avons pas besoin de toutes les informations que nous exigeons de nos fournisseurs sur la partie procurement.
En plus de la performance achats, quelle partie du process achats avez-vous outillé sur ce principe du Best of Breed ?
Le deuxième pilier de notre stratégie Best of Breed est l’analyse de dépenses. En mars, nous avons lancé Sievo, un outil purement analytique, sur l’ensemble des divisions du groupe. Nous disposons ainsi d’un outil d’analytic sorti du sourcing, auquel nos ambitions d’analyse ne se limitent pas. Nous voulons aussi mesurer l’impact carbone des fournisseurs sur le scope 3. Nous cherchons aussi à développer nos données autour du risque financier, de la compliance, de la cybersécurité, de la protection des données personnelles, de la diversité…
Il est possible de trouver beaucoup d’acteurs qui ont développé des outils robustes mais avec une expérience utilisateur très perfectible
Quelle vision portez-vous sur ces acteurs de l’information d’entreprise ?
Il est possible de trouver beaucoup d’acteurs qui ont développé des outils robustes mais avec une expérience utilisateur très perfectible. De nouveaux acteurs commencent à apparaître - par exemple Tealbook ou encore Kodiac Hub - avec des outils intéressants de ce point de vue et aussi en ce qui concerne leur capacité d’intégration, mais cela reste émergent.
Avez-vous des outils spécifiques pour gérer les tail spend ?
Depuis 2017, nous utilisons Amazon Business, connecté à Coupa, en Europe, aux Etats-Unis et au Canada, pour les petits produits de nos tail spend : petits périphériques informatiques, fournitures de bureau… Nous utilisons également Candex, un intermédiaire PtoP qui passe commande en notre nom auprès de fournisseurs ponctuels, ce qui nous évite de créer des fournisseurs. Le problème étant que les coûts cachés de création d’un fournisseur ne sont pas perceptibles pour les clients internes, contrairement aux services de Candex, facturés sous forme d’un pourcentage du prix de la commande. Le troisième pilier de notre stratégie tail spend passe par le déploiement de cartes d’achats. Nous sommes en train de faire un POC avec Soldo, pour cumuler des solutions de cartes virtuelles, de cartes physiques et des solutions de création de porte-monnaies temporaires qui permettent de contrôler les achats en amont.
Il nous reste à rendre visible et partager les données achats avec l’ensemble des collaborateurs de Technicolor
Quels autres besoins vous reste-t-il à combler du point de vue des outils ?
Il nous reste à rendre visible et partager les données achats avec l’ensemble des collaborateurs de Technicolor, afin de jouer le rôle de conseiller interne du business. Il est par exemple important que tous les collaborateurs dans le groupe qui achètent du matériel informatique comprennent dans quelle mesure les fournisseurs sont impactés par les ruptures sur les composants, afin par exemple d’anticiper un peu plus leurs achats. Nous ne sommes plus dans des cycles de shortage de six mois à un an. Aujourd’hui la crise s’ajoute à la crise et il est de plus en plus difficile de prévoir.
Les solutions choisies par Technicolor
Coupa, PtoP
SpendHQ (Per Angusta), performance achats
Sievo, analyse des dépenses
Candex, tiers de facturation
Amazon Business, marketplace
Soldo, paiement dématérialisés