Club des Managers Achats : Les SI achat permettent-ils vraiment d’être plus performant ?
Une vingtaine de responsables, directeurs et directrice achats ont profité du Club des Managers Achats du mois de mars pour partager leurs sentiments vis-à-vis de leur SI Achat. Beaucoup ont partagé leurs problématiques, leur déception, quand certains ont partagé leurs bonnes pratiques pour faciliter l’adoption et réussir le déploiement d’un outil e-achats. Compte-rendu, non exhaustif bien sûr.

Le sujet de la digitalisation des achats est devenu un enjeu majeur pour les directions achats, mais aussi leur entreprise dans leur ensemble tant l’implémentation d’un outil peut s’avérer décisif. Mais les outils SI achat tiennent-ils réellement toutes leurs promesses ? Plusieurs défis de taille se posent les concernant : celui de la complexité des processus, de l’intégration avec l’écosystème IT, de l’exigence accrue en matière de performance et conformité, de l’optimisation des coûts et de la chaîne de valeur bien sûr, sans oublier celui de l’expérience utilisateur. Face à la complexité des projets d’implémentation d’outils e-achats, beaucoup d’entreprises utilisent des SI Achats sans vraiment exploiter pleinement leur potentiel en raison de la rigidité des workflows et du manque d’adoption des utilisateurs.
Par ailleurs, une mauvaise interconnexion avec les ERP, solutions de gestion des fournisseurs et outils analytiques peut limiter l’efficacité des SI Achats. Et, (bien) au-delà de la gestion des transactions, les SI Achats doivent permettre de piloter la stratégie achats et générer des gains importants mesurables, tout en étant adopté par le plus grand nombre pour ne pas apparaître comme un frein à l’optimisation et l’efficience. En bref, un projet d’implémentation d’un SI achat peut constituer un véritable casse-tête. De fait, les décideurs achats ainsi que la direction générale doivent impérativement évaluer si leurs outils achats sont adaptés à leurs besoins et identifier les axes d’amélioration pour maximiser leur rendement.
Ceci n’est évidemment pas une mince affaire et beaucoup s’y sont cassé les dents, au point où l’outil en est devenu une véritable source de frustration en interne. « Nous rencontrons pas mal de difficultés sur la partie SRM, qui commence vraiment à se densifier. En termes de suivi et d’accompagnement aux obligations de vigilance, CSRD et autres, nos outils, un peu vieillissant aussi il faut l’avouer, me paraissent assez peu capés », explique par exemple l’un des invités.
L’adhésion, notion clé
Un outil frustrant est un outil qui a mal été calibré au départ et qui ne répond pas aux besoins internes
Or, les outils e-achats se doivent d’être de véritables sources de performance. Comment faire en sorte qu’ils ne soient pas source de frustration ? « Si l’outil est frustrant, c’est aussi peut-être parce que les utilisateurs finaux n’ont pas été impliqués en amont dans le projet d’implémentation. Un outil frustrant est un outil qui a mal été calibré au départ et qui ne répond pas spécialement aux besoins internes », avance une directrice des achats autour de table. Et pour cause, si se lancer dans la mise en place d’un SI achats n’a déjà rien d’évident et n’est pas un long fleuve tranquille, ne pas impliquer les équipes en amont constitue une erreur fatale. Le plus important reste sans doute de déterminer au mieux les besoins, sans les simplifier, et ne surtout pas se précipiter. Pour cela, de nombreuses directions achats se sont appuyées sur une communauté dédiée ; entamé une phase de benchmark pour identifier l’existant, les irritants et les opportunités. L’objectif de cet état des lieux : donner du temps aux retours d’expérience recueillis sur la gestion des projets passés pour demeurer cohérent et ne pas se perdre.
Outre les problématiques qui poussent les Achats à implémenter un outil, il est donc nécessaire de bien prendre en considération les utilisateurs finaux de l’outil et ne pas les balayer d’un revers de la main. C’est eux aussi qui feront la réussite du projet. En somme, la collaboration est de mise. C’est même un impératif pour concilier l’ensemble des besoins, définir une orientation générale efficiente et déterminer les moyens les plus efficaces d’atteindre ses aspirations. « Développer un outil dans une certaine logique, comptable par exemple, en délaissant les autres logiques d’entreprise est une erreur. C’est le meilleur moyen de se planter », a soutenu l’une des convives. « Il faut tenir compte de ce que partagent les métiers et les questionner sur leurs retours. L’amont est essentiel dans la réussite du projet », soutient un autre.
Avant cela, la rédaction du cahier des charges doit aussi être un vecteur de réussite majeur dans le projet de déploiement d’un SI achat. Celui-ci doit être équilibré ; en dire assez mais pas trop non plus afin de laisser aussi aux répondant une marge d’interprétation. Tous dans l’ensemble, donneurs d’ordre comme fournisseurs de solution s’accordent pour dire que l’élaboration d’un cahier des charges détaillé n’est pas vraiment souhaitable.
Ne pas trop espérer d’un outil si l’on est pas en mesure de bien l’utiliser
Obtenir l’adhésion des utilisateurs est donc essentiel. Mais derrière, que se passe-t-il ? Les outils permettent-ils de voir vraiment la vie en rose ? Rien n’est moins sûr. Manque de visibilité ou d’ergonomie, complexité … Les irritants peuvent être nombreux. « C’est absurde de brasser de la data dans tes tableaux Excel alors qu’elle existe nativement dans l’outil ; simplement, son accès est plus difficile qu’il n’y paraît parce que l’outil n’a pas été pensé comme tel », déplore l’un des présents. La capacité des SI achats à fournir des indicateurs clés (suivi des dépenses, conformité fournisseurs, réduction des coûts) est d’ailleurs grandement critiquée par certains autour de la table, qui doivent (pour certains là encore) opter pour une approche best of breed afin de ne rien laisser au hasard. Ou du moins couvrir le plus de choses possibles. Mais même un outil robuste, au panel fonctionnel très ample, n’est jamais qu’un simple outil. Et il ne sera, de toutes les manières, jamais utilisé dans son ensemble. Pour l’un des invités, un SI achat simple, dont l’UX est accessible, présente un potentiel de création de valeur sans commune mesure.
La réalité est que si vous ne vous appuyez pas sur une méthodologie fiable, une approche solide, l’outil ne formalisera simplement ce qui fonctionne mal
Si pour certains le fait de déployer un outil pourrait se révéler salutaire, les expériences de beaucoup autour de la table disent le contraire. « Un SI achats ne résout pas les problèmes que nous avions auparavant. Or, quand on lance un projet de ce type, certains ont tendance à penser que la solution va résoudre tous nos problèmes. Mais la réalité est que si vous ne vous appuyez pas sur une méthodologie fiable, une approche solide, l’outil ne formalisera simplement ce qui fonctionne mal », expose l’un des convives, directeur des achats d’un équipementier.
Le déploiement d’un outil dépasse ainsi la seule implémentation informatique d’une solution digitale. C’est pour les entreprises une occasion bienvenue de dérouler leurs process et de se poser la question de leur essentialité, d’autant plus que lesdits process ne sont pas toujours très clairs et partagés en interne. « Nous devons frotter notre façon de faire avec ce que l’outil permet, s’appuyer sur ce que l’outil permet et que nous ne pouvons pas faire, tout en se concentrant simplement sur les écarts entre nos process et les fonctionnalités de l’outil », explique un invité. Un jeu d’équilibriste en somme, qui n’a évidemment rien d’évident.
À cela s’ajoute également le sujet de la conduite du changement, tout aussi primordial. Un accompagnement au changement et la mise en place de formations ainsi que supports adaptés aux besoins des utilisateurs pour les aider à monter en compétences sur l’outil est plus qu’essentiel. « La conduite du changement est un sujet important. Vous pouvez disposer du meilleur outil qui soit, mais si vous n’investissez pas dans cette partie, le taux de déploiement sera famélique et le projet, un échec », prévient un des convives.
Voilà qu’on en revient une nouvelle fois à l’identification et la définition des besoins de l’entreprise et des collaborateurs de façon précise pour que les Achats puissent déployer une solution réellement adaptée et accompagner le changement de façon efficace. Le déploiement est forcément source de quelques résistances et les Achats ne doivent pas l’oublier ; d’où encore une fois l’intérêt d’impliquer toutes les parties prenantes à chaque étape du processus. Les meilleures solutions ne sont d’ailleurs pas forcément les plus répandues, mais celles qui se calquent au plus près des enjeux internes à l’entreprise.
Les SI Achats restent in fine des leviers incontournables pour structurer, optimiser et piloter la performance achats. Malheureusement (pour elles), de nombreuses entreprises constatent un écart entre les promesses des outils et la réalité de leur usage quotidien. L’enjeu est aujourd’hui de parvenir à mieux exploiter ces systèmes en levant les freins d’adoption, en améliorant leur interopérabilité et en intégrant les nouvelles technologies pour répondre aux défis actuels des directions achats. Les décideurs achats doivent ainsi se poser les bonnes questions pour garantir un alignement optimal entre leurs besoins et les fonctionnalités offertes par leurs SI Achats.