Club des managers achats : Le leadership, une notion à apprécier à sa juste valeur
Par Mehdi Arhab | Le | Rh ha
Le dernier Club des managers achats, qui a réuni une vingtaine de directeurs et responsables achats d’ETI et grands groupes, a été le théâtre de discussions passionnées sur la notion de leadership. Compte-rendu des débats :
Leur règne ne sera peut-être pas éternel mais semble pour le moment franchement solide, légitime : l’acheteur chef d’orchestre ou encore l’acheteur créateur de valeur l’a, semble-t-il, encore une fois, emporté sur l’ancien champion des 1990’ et du début des années 2000, le cost killer. La performance achats passe en effet aujourd’hui par le développement des compétences et capacités « humaines » des acheteurs et managers ; dont l’une d’elle, le leadership. Une aptitude qui se joue finalement en interne dans la gestion des relations entretenues avec les prescripteurs internes, mais également en externe, dans le pilotage de la relation fournisseur. Le psychologue Martin M. Chemers définit le leadership comme un « processus d’influence à travers lequel un individu s’assure le concours et l’aide des autres membres d’un groupe pour atteindre l’objectif collectif dudit groupe ».
En se référant à cette définition - sociologique dans l’âme, le leadership correspondrait à la capacité d’influencer (et influer) autrui, sans même avoir besoin de recourir à une autorité conférée par un positionnement hiérarchique élevé. D’une certaine manière, la montée en compétence des acheteurs est indissociable de la question de la qualité de sa relation avec les autres métiers et les fournisseurs. Elle marque également l’aptitude de la fonction à renforcer son alignement avec les enjeux business.
« Et si finalement le leadership n’était pas de veiller à ce que les acteurs de l’entreprise viennent vers nous pour trouver des réponses à leurs questions ? Nous devons nous positionner comme des interlocuteurs pertinents et apporter des solutions aux problématiques présentées », pose Pierre-Alexandre Goulmot, directeur des achats de NRJ Group et président d’honneur du CMA.
Une notion qui relève de la capacité à séduire …
Le leadership réside pour un acheteur dans son aptitude à créer du sens, construire une approche et vision, avec une petite dose de folie et de créativité, amenant son entourage à rêver, à se projeter, tout en intégrant également des éléments de rationalité pour mener à bien son action. Le leadership n’est pas inné, mais s’acquiert au fil du temps et s’expose aussi bien en interne qu’en externe face aux tiers fournisseurs, prestataires et sous-traitants. « Dans un sens, se positionner comme le client préféré de son fournisseur, c’est aussi incarner une forme de leadership, d’autant plus que nous ne sommes plus en position de force vis-à-vis d’eux », soutient l’une des directrices achats présente.
Être en position favorable face à un concurrent fait gagner en autorité, des clients et donc des parts de marché. Le partenariat fait vendre
« Être en position favorable face à un concurrent fait gagner en autorité, des clients et donc des parts de marché. Le partenariat fait vendre », poursuit dans le même sens un autre invité. Un élément bienvenu tant la complexité du monde et la rapidité toujours plus grande avec laquelle les choses évoluent vont croissant. « Depuis quelques années, nous recherchons des profils complètement différents de ce vers quoi nous nous tournions. La capacité à embarquer les clients internes et fournisseurs est primordiale désormais. Cela réclame du savoir-être et du savoir-vivre », explique l’un des responsables achats présents.
… mais aussi à convaincre
Au demeurant, pour faire montre de son leadership, l’acheteur doit impérativement développer sa capacité à être indépendant. Et les crises successives des trois dernières années, ainsi que les pénuries de matières premières se sont révélées comme d’excellentes opportunités de prouver son autonomie et son talent pour mener à bien son action. « La crise Covid a mis un gros coup de projecteur sur les Achats. La fonction est devenue un élément clé pour vendre et a démontré toute son importance en permettant aux entreprises de facturer et générer du chiffre d’affaires ; cela par son approche, le sourcing, sa capacité à trouver des alternatives et des solutions », défend l’un des convives. « Nous aidons désormais la direction commerciale dans la structuration de son offre », embraye un autre invité.
Ainsi, plusieurs qualités peuvent être réclamées en fonction de la stratégie achats et de la stratégie globale d’entreprise décidées : favoriser l’innovation, œuvrer pour vendre, miser sur des solutions opportunes … La vision de l’acheteur doit être constitutive de ces deux pans. Le plus important étant ensuite de savoir expliquer ses choix et créer du lien, notamment avec les services prescripteurs internes. La communication constitue donc un impératif et un socle du « faire adhérer et embarquer ».
Faire preuve de leadership demande de générer des relations de confiance et aussi une certaine crédibilité sur l’acte d’achat
En effet, la perception des parties prenantes se construit à partir du contenu du projet, mais également à partir de la façon dont il est présenté. « Faire preuve de leadership demande de générer des relations de confiance et aussi une certaine crédibilité sur l’acte d’achat », rappelle un invité. Après coup, être en mesure de structurer la mise en œuvre du projet est tout aussi important. Vient ensuite le besoin de suivre le projet auprès des équipes achats et des clients internes.
Le leadership, une notion difficile à appréhender
Si l’acheteur est de plus en plus « au cœur du réacteur », comme le fait savoir l’un des convives, tous ne sont pas des leaders dans l’âme. Et tous ne prétendent pas l’être. En outre, il est bien difficile de quantifier et mesurer la notion de leadership. Si l’école anglo-saxonne est friande de grilles de notation diverses, les convives ne voient pas l’intérêt de mesurer le concept de la sorte. « La fonction achats n’est plus vu comme un réducteur de coût mais bien comme une entité qui participe à la création de valeur », se félicite l’une des directrices achats. « Néanmoins, le leadership se mesure dans le temps, se ressent et s’apprécie. Il n’est pas quantifiable et est le fruit d’une reconnaissance du travail accompli », poursuit-elle.
Lors de sa traditionnelle prise de parole à la fin des débats, Pierre-Alexandre Goulmot a rappelé à quel point le leadership était « une notion difficile à définir », s’appuyant sur les propos de Ken Adelman, un diplomate américain. « Le leader sait ce qu’il faut faire, le manager est celui qui sait comment on doit le faire ».