La fidélisation des nouveaux talents au cœur des attentions des directions achats
Par Mehdi Arhab | Le | Rh ha
Lors du dernier dîner-débat du Club des Managers Achats de la saison, une vingtaine de directeurs et responsables des achats ont échangé sur leurs visions et méthodes pour attirer, développer, fidéliser et retenir les nouveaux talents. S’ils ne cachent pas la nécessité de changer la représentation de la fonction au sein des entreprises et d’offrir des perspectives à leurs effectifs pour y parvenir, certains s’avouent dubitatifs face au rapport au travail des jeunes diplômés.
Véritables enjeux stratégiques pour les départements achats, les sujets relatifs au recrutement et à la fidélisation des nouveaux talents engendrent, encore et toujours, de nombreux nœuds au cerveau. À l’inverse de leurs aînés, les nouveaux entrants sur le marché du travail ne manifestent pas de véritable sensibilité quant à un éventuel plan de carrière et ne craignent pas de jouer la surenchère quant aux avantages qui leur sont offerts par leur employeur. « Il me paraît difficile de savoir réellement ce que veulent les jeunes, leur rapport au travail est différent », lance un directeur des achats, lequel éprouve quelques difficultés à recruter ; son entreprise, qui opère dans le secteur de l’énergie, est présente sur les marchés du raffinage ou encore de la pétrochimie.
« Il est très difficile d’attirer et de recruter, la marque employeur dans un secteur comme le nôtre est peu attractive », poursuit-il. Pour autant, cette approche ne révèle pas d’un manque de professionnalisme des nouvelles générations, tempère Pierre-Yves Stintzy, partner au sein de Leaders Trust. « Les engagements dans la durée ne sont pas des réflexions prioritaires pour eux. Il n’empêche que les jeunes travaillent beaucoup, ils ont simplement une relation extrêmement contractualisée avec leur employeur. Si les avantages existent, ils n’auront aucun scrupule à les faire jouer et ils en ont le droit », rappelle-t-il.
Le salaire comme source de frisson
À toutes ces observations s’ajoute pour les PME et les ETI la bataille féroce établie par les grands groupes, notamment sur l’épineuse question des prétentions salariales. Sans oublier, bien sûr, la position géographique du groupe ; les métropoles attirant souvent plus que la province. Un constat que semble partager nombre de donneurs d’ordres autour de la table : « nous avons beaucoup de mal à recruter, cela quel que soit le cadre, mais aussi les conditions de rémunération », approuve l’un d’eux. « Il est difficile de rivaliser, malgré les projets, l’ambiance. Le salaire joue beaucoup, quoi qu’on en pense », acquiesce un autre.
Néanmoins, Pierre-Yves Stintzy assure que cette problématique demeure depuis bien des années. « Ce n’est pas un phénomène nouveau, il me semble même qu’il était plus important dans les années 1990. Et la hausse des coûts de la vie explique cela », pointe-t-il, avant d’ajouter : « il leur a été vendu un monde ouvert, dans lequel ils pourraient travailler et sourcer à l’international. La fonction achats avait beaucoup profité de son attractivité, cependant, cette envie d’international a été coupée par le monde Covid ».
D’autres leviers à activer
Mais comme certains l’évoquent, la quête de sens, l’autonomie, des projets impérissables ainsi qu’une organisation du travail plus souple sont largement susceptibles de séduire les nouveaux talents. « Les jeunes sont prêts à s’investir dans des causes importantes et pour des entreprises très ancrées dans le développement durable », soutient un responsable des achats. « Il faut leur donner du sens pour qu’ils puissent partager un morceau d’histoire », rebondit un invité. Ainsi, les convives s’accordent à dire que c’est en octroyant de l’autonomie, des projets et des perspectives de montées en compétences et en grade, que les Achats parviendront à maintenir leurs meilleurs éléments. « Pour être attractif, il nous faut leur offrir des projections », assure un invité.
Nous devons leur présenter de quelle manière ils pourront contribuer à faire évoluer la fonction
« Nous devons leur présenter de quelle manière ils pourront contribuer à faire évoluer la fonction. Cela se joue sur la posture, mais aussi la digitalisation, les relations avec les partenaires et la direction générale. Il faut leur dire qu’ils ont une utilité qui va bien au-delà des lieux communs », développe un directeur achats.
La perte de ses éléments n’est pas une fin en soi
Si tous estiment qu’il est indispensable de garder ses talents en interne, car il n’est pas rare qu’un recrutement s’avère plus onéreux que la pérennisation de son effectif, Pierre-Yves Stintzy perçoit le turn over comme une forme de légitimation. « Si vos acheteurs vous quittent, c’est que d’autres distinguent la valeur qu’ils ont pris sous votre direction. Et si demain vous êtes la cible des cabinets de recrutement venant piocher dans vos équipes, vous considérant comme une bonne école de formation, derrière, les meilleurs talents se bousculeront au portillon pour travailler avec vous. Il faut en tirer un avantage ».
Se tourner en interne peut alors constituer une solution de repli efficiente, permettant aux directions d’être toujours fonctionnelles. D’autant plus, qu’à l’instar de certains secteurs, certains grands groupes ne provoquent plus autant d’étoiles dans les yeux des jeunes diplômés.