La Poste : « Nous avons beaucoup de difficultés à trouver des acheteurs indirects »
Par Guillaume Trecan | Le | Rh ha
Laurence Laroche, directrice achats du groupe La Poste interviendra comme grand témoin lors du dîner du Club Planète Sourcing, le 28 mai S’inscrire au dîner du Club Planète Sourcing sur le thème : « comment faire place à la pénurie de talents aux Achats ». Un thème qui lui tient à cœur sachant, avec une quinzaine de postes actuellement à pourvoir et qu’elle affronte avec une palette complète de solutions.
Comment se manifeste votre problème de pénurie de talents ?
Nous employons 300 personnes aux Achats du groupe La Poste. Mon besoin de recrutement concerne une vingtaine de postes à pourvoir par an. Je constate en effet qu’il est difficile de recruter. Nous avons toujours beaucoup de mal à trouver des acheteurs. C’est pour cela qu’il est crucial de développer l’attractivité de la filière, d’autant plus que nous travaillons avec des enveloppes financières contraintes et que le levier salarial n’est, de toute façon, pas le seul.
Comment comblez-vous ces besoins ?
Le vivier d’acheteurs en interne étant trop petit, nous avons développé un dispositif appelé l’« Itinéraire balisé », qui consiste à sélectionner des employés de La Poste sur leurs soft skills et à les former aux Achats. C’est une voie importante de recrutement. La fonction achats a été pionnière dans l’utilisation de ce dispositif. Nous avons commencé en septembre 2021 et nous formons en moyenne huit personnes chaque année. Les appels à candidature génèrent aussi du mouvement à l’intérieur de la fonction achats. Nous avons également recours à des recrutements externes. Nous accueillons une dizaine d’alternants chaque année dont certains sont recrutés. Nous faisons aussi paraître les postes sur le portail d’emploi du groupe et, en cas de difficultés à pourvoir le poste, nous faisons appel à des cabinets de recrutement.
Nous avons actuellement quinze postes à pourvoir. A mon arrivée, en 2019, il y en avait en permanence entre trente et quarante
La direction achats souffre-t-elle d’un déficit chronique dans son fonctionnement ?
Nous avons actuellement quinze postes à pourvoir. A mon arrivée, en 2019, il y en avait en permanence entre trente et quarante. Nous sommes toujours un petit peu en sous-effectif. Certaines entreprises ont des pépinières et forment des personnes pour qu’elles soient disponibles dès qu’un poste est à pourvoir, mais ce n’est pas le cas chez nous. Si ces quinze postes à pourvoir étaient répartis sur différents services, cela ne poserait pas de problème, mais ce n’est pas nécessairement le cas et il arrive qu’il manque deux ou trois personnes dans une équipe de cinq. Ces postes non pourvus représentent inévitablement une surcharge pour les équipes. Nous essayons donc de recourir à des CDD qui peuvent être des sources de recrutement lorsque l’expérience est concluante. Nous avons également une antenne achats auprès de laquelle nous externalisons des dossiers à traiter avec des unités d’œuvre lors de pics de charge. Dans cette liste de solutions, je citerai les consultants en dernier recours, sachant qu’ils sont plus chers et qu’ils ont tendance à rester plus longtemps que prévu.
Y a-t-il une tendance des candidats à l’emploi à accepter plus volontiers des CDD que des CDI ?
Certaines personnes font en effet le choix d’être en CDD et pas en CDI parce que cela correspond à leur projet personnel. Mais les différents marchés de l’emploi ne sont pas cloisonnés. Certaines personnes recrutées en CDD peuvent changer de position en cours de contrat et être finalement tentées par un CDI.
Dans le support achats, les sujets de conformité montent également en puissance et il peut être difficile de recruter sur ces sujets
Sur quels types de postes avez-vous le plus de difficultés à trouver des candidats ?
Nous avons beaucoup de difficultés à trouver des acheteurs indirects. Nous avons également en permanence un flux d’acheteurs industriels à recruter ; cette population semble plus volatile. Dans le support achats, les sujets de conformité montent également en puissance et il peut être difficile de recruter sur ces sujets.
Quels sont à vos yeux les principaux leviers d’attractivité ?
Le plus important consiste à donner du sens à la fonction. Les collaborateurs ont besoin de sentir qu’ils s’intègrent dans un ensemble cohérent. Nous partons de la stratégie du groupe La Poste de la mission et des ambitions qui en découlent. Leur déclinaison au niveau des Achats est notre socle et c’est ce qui donne du sens. Nous menons par exemple une démarche d’appropriation à travers des ateliers pour impliquer nos équipes dans le plan de transformation. Cela a été fait au niveau du codir achats, puis décliné par les membres du codir avec leurs N-1 et les N-1 avec leurs équipes. Chaque collaborateur sait ainsi pourquoi il est là et quel est le sens de ce qu’on lui demande de faire.
Prendre en compte le développement individuel de chacun est en effet important. Cela passe par des formations. En plus du parcours des « itinéraires balisés », nous proposons des formations aux nouveaux entrants. Nous avons aussi mis en place un parcours d’intégration incluant la Fresque du climat, nous déployons une nouvelle formation achats responsables, une formation à notre nouveau système d’e-conformité, etc.
La fierté d’appartenance est un autre élément clé. Obtenir des prix à un trophée, un label, communiquer sur les réseaux sociaux sur des initiatives vertueuses apporte beaucoup aux équipes.
Nous constatons une inflation des salaires d’entrée qui est compliqué à suivre et qui risque de créer des distorsions avec les équipes
La rémunération est-elle aussi un levier important ?
Il faut activer tout le reste avant - le sens, le développement interne, la mobilité interne la fierté d’appartenance - cela permet de résoudre une partie des problèmes qui concernent le salaire. C’est un levier qui est, quoi qu’il en soit encadré par des grilles existantes. Nous constatons une inflation des salaires d’entrée qui est compliqué à suivre et qui risque de créer des distorsions avec les équipes en poste. Chaque année, nous faisons en sorte de recruter les profils dont nous avons besoin, tout en restant à l’intérieur des enveloppes qui nous sont allouées. Lorsque nous faisons face à de jeunes recrues dont les demandes nous sommes déraisonnables, nous expliquons notre position, sachant que leurs exigences ne reflètent pas forcément la réalité du marché. Quoi qu’il en soit, nous ne jouons pas la surenchère.