Les achats marketing et communication de Carrefour en pleine transformation
Par Mehdi Arhab | Le | Prestations intellectuelles
Dans le cadre d’un plan de transformation du groupe, la direction des achats indirects de Carrefour compte massifier ses achats marketing et communication, aligner sa stratégie au global et rationaliser ses investissements sur l’offline et l’online. Cela alors qu’elle est fortement exposée à la pénurie et la hausse des prix de papier pour un autre support majeur : le catalogue.
Caroline Dassié, promue en septembre dernier directrice exécutive marketing et clients France et groupe de Carrefour, a entrepris au côté d’Alexandre Bompard, le CEO, l’élaboration d’un plan de transformation stratégique du groupe sur le plan marketing et communication. Les chantiers sont nombreux. Un séminaire se tiendra prochainement, lors de la deuxième quinzaine du mois de juin et réunira les entités de Carrefour, pour définir plus précisément les contours de la feuille de route opérationnelle de l’enseigne à ce sujet. La direction achats indirects est bien évidemment un acteur important de ce dossier, qui pèse plusieurs centaines de millions d’euros sur les neuf milliards d’euros d’achats indirects du groupe.
Le service achats indirects coconstruit les stratégies achats en la matière avec la direction marketing. Et entre achats d’espaces publicitaires sur des supports onlines et offlines, achats d’affichage, achats de catalogue et achats de PLV, les besoins du groupe sont nombreux. Sans oublier les achats d’animation en magasin, les achats de théâtralisation, le programme de sponsoring de clubs sportifs et le programme de fidélité à destination des clients.
Mix entre médias offlines et onlines
Outre la refonte du programme de fidélité, avec le renforcement du pilotage de la satisfaction client, l’un des deux grands chantiers à venir des directions achats et marketing sera d’échafauder un meilleur équilibre entre achats de campagnes offlines et onlines. Jihane Nejma, responsable des achats marketing du groupe, porte en effet l’ambition de rationaliser les investissements alloués aux deux supports, pour aider la direction marketing à mieux maîtriser ses campagnes, davantage centrées sur l’humain. Une approche qui a pour but de casser les silos et d’appréhender l’objet, non plus de manière distincte, mais bien de façon groupée. « Nous voulons mieux concilier ces achats pour bénéficier d’un mix optimal entre l’offline et l’online. Cela nous permettra de mieux gérer nos investissements in fine », explique-t-elle
Un degré d’exposition élevé sur le papier
La question de la maîtrise du budget se pose à plus forte raison sur le catalogue. Support des plus importants pour le groupe français de grande distribution, mais sur lequel les Achats préconisent cependant de limiter les dépenses. Cela notamment pour deux raisons : l’inflation et la pénurie de papier. « Nous n’y sommes pas encore », tempère Jihane Nejma, qui poursuit : « ce sont deux contraintes majeures, sans même parler du challenge écologique devant nous, qui nous impose de réduire notre consommation de papier », glisse-t-elle. Tandis que les papetiers ont toutes les peines du monde à amortir leurs coûts, préférant désormais se tourner vers la production de carton et d’emballage car plus rentable, la direction des achats subit quant à elle de plein fouet la flambée des prix. L’industrie du papier est vigoureusement matraquée par les secousses géopolitiques et la hausse des prix de l’énergie, notamment de l’électricité.
Plus du tiers des prix à la tonne de notre papier est lié à l’énergie. Les surcharges sont folles
« Les prix de l’électricité ont explosé et qui dit électricité, dit gaz. Plus du tiers des prix à la tonne de notre papier est lié à l’énergie. Les surcharges sont folles et toutes nos prévisions du début d’année sont tombées à l’eau, car l’inflation a doublé, voire triplé », commente Jihane Nejma. La demande de papier recyclé - qui entre dans la fabrication du catalogue - a par ailleurs explosé de toute part, ne rendant pas la tâche des Achats facile. « Cela est dû au Covid, nous n’en avons plus depuis la pandémie », développe Jihane Nejma. Avec les 25 acheteurs, dont 18 à l’étranger, qui lui reportent de façon fonctionnelle, elle établit des benchmarks en vue de contenir autant que faire se peut l’inflation, pour que celle-ci ne se répercute pas plus que de raison sur les produits en magasin.
« Le niveau de l’inflation que nous subissons nous contraint à en répercuter une partie dans les prix finaux et nous continuons à résister au mieux pour contenir cet impact sur nos pouvoirs d’achat. Nous travaillons avec nos équipes en Argentine et au Brésil pour dénicher les bonnes pratiques, car elles ont tendance à se révéler dans un tel contexte. Nous œuvrons aussi avec L’Espagne et l’Italie pour en savoir davantage sur leur manière de faire pour réduire les dépenses sur la partie catalogue », dévoile Jihane Nejma. Outre la France et les quatre géographies précédemment évoquées, Carrefour est présent en Belgique, en Pologne, en Roumanie et à Taiwan.
Objectif massification et consolidation des travaux avec le métier
Planifié dans le plan de transformation de Carrefour, cet alignement est le bienvenu. La direction des achats ne cache d’ailleurs pas son envie d’identifier les acteurs globaux avec lesquels coopérer, afin de massifier davantage ses opérations. « Nous menons un travail d’ampleur pour aligner notre stratégie e-commerce, marketing et sur le plan de la communication au global. Il en va de même pour les Achats », confirme Jihane Nejma. Pour le reste, la tendance haussière a raffermi le rapport avec la direction marketing. Les habitudes dont elle est imprégnée se font de moins en moins ressentir. « Nous menons un travail classique, suivant la définition du besoin, l’anticipation et la rédaction d’un cahier des charges. Lorsqu’une prestation n’a pas été challengée depuis un certain temps, nous rappelons qu’il existe d’autres acteurs. Et la direction marketing l’accepte ; le métier est ouvert d’autant plus dans le contexte inflationniste actuel », salue Jihane Nejma.
La direction des achats organise à titre d’illustration des séances de rencontre avec des agences, sous forme d’un concours de créativité. Partant du brief réalisé conjointement par les Achats et le Marketing, les agences livrent un pitch de quelques minutes. « Nous leur demandons de répondre à nos problématiques. Elles nous présentent leurs idées et nous sélectionnons de concert avec la direction marketing les agences les plus créatives, au meilleur rapport qualité-prix », narre Jihane Nejma. Après avoir coordonné la manœuvre conformément aux process, procédures et protocoles, la direction des achats s’attache de son côté à obtenir des économies pour permettre à la direction marketing de les réinvestir sur de potentielles nouvelles campagnes.
Nous sommes très exigeants sur la qualité de l’agence et la séniorité des profils qui nous sont proposés. C’est aussi cela qui peut garantir la réussite d’une campagne et son exécution
« Notre valeur ajoutée demeure dans notre capacité à garantir des coûts et des résultats, sans oublier l’accompagnement du fournisseur et de notre business partner. Nous sommes très exigeants sur la qualité de l’agence et la séniorité des profils qui nous sont proposés. C’est aussi cela qui peut garantir la réussite d’une campagne et son exécution en amont », assure Jihane Nejma.
Pour certifier la réussite d’une campagne, la direction marketing s’appuie sur le ROI. La direction des achats, elle, se fonde sur ses propres métriques, qui permettent de connaître l’impact du plan média. L’une d’elle représente le coût d’une insertion média dans une campagne publicitaire divisé par l’indice de pression de ladite campagne sur une cible déterminée. « Le métier a totalement la main sur le ROI et fait des reportings régulier à ce sujet. Nous concernant, nous nous appuyons sur ces mêmes reportings et sur les cabinets d’audit des compétitivités des coûts, comme le coût GRP sur les campagnes offline », déroule pour conclure Jihane Nejma.