Trigo déploie un outil P2P qui crée l’envie d’une fonction achats groupe
Par Guillaume Trecan | Le | Si ha
Parti de la volonté de rationaliser ses ERP, le spécialiste mondial du contrôle qualité Trigo en est venu à déployer un outil de P2P, Oxalys, qui fait naître chez lui l’envie de créer à terme une fonction achats centrale.
Trigo est une société de services œuvrant dans le contrôle qualité dans 25 pays. Ses équipes travaillent par exemple sur les chaînes de montage Stellantis où elles corrigent les défauts sur les pièces fournisseurs. Avec 420 millions d’euros de chiffre d’affaires et 10 000 collaborateurs, l’absence de fonction achats centralisée pourrait surprendre. Quoique, au regard du modèle économique de l’entreprise, l’explication est simple. « Notre premier élément de coût, ce sont les salaires et pas tant les fournisseurs externes », recadre le directeur financier, Salim Himmi.
Une ETI en quête de synergies et de contrôle
« En revanche nous avons le même modèle opérationnel dans tous les pays et nos besoins sont systématiquement les mêmes sur les 400 sites sur lesquels nous sommes présents dans le monde », poursuit-il en commençant par la perspective de synergies profitables, la liste des raisons qui l’ont conduit à investir pour faire monter en maturité la fonction achats. L’autre raison c’est évidemment un besoin de contrôle. « Nous restons une ETI, nous n’avons pas beaucoup de processus et nous avons des tailles de structures très hétérogènes », justifie-t-il.
Au total, la fonction achats du groupe Trigo comprend une direction achats France dotée de quatre personnes plus une dizaine de personnes traitant les achats sur l’ensemble des autres pays, mais pas de structure centralisée. Il faut désormais y ajouter l’outil P2P d’Oxalys en cours de déploiement et dont les bénéfices attendus sont ainsi listés par le directeur financier : « permettre à nos opérationnels sur site d’effectuer des commandes quand ils en ont besoin, suivre ces besoins et les diriger vers nos fournisseurs référencés afin de contrôler la dépense, d’avoir un meilleur rendu qualité et de meilleurs prix. »
La démarche est partie en 2019 de la direction financière qui a souhaité déployer un seul et même outil comptable dans tous les pays. « Nous avons choisi d’harmoniser cet aspect, puis d’intégrer d’autres processus, par exemple un outil de recouvrement, ce qui est capital pour une entreprise de services comme la nôtre, donc très sensible à son BFR. L’idée d’une brique gestion du PtoP s’est également imposée naturellement », relate Salim Himmi.
40 millions d’euros d’achats hors sous-traitance
Le périmètre de couverture d’Oxalys concerne les quelque 40 millions d’euros d’achats du groupe hors sous-traitance et prestations intellectuelles. Salim Himmi n’a pour l’heure pas trouvé d’outil permettant de prendre en compte ses contraintes en la matière. « Trouver un prestataire capable de couvrir l’ensemble de nos implantations est impossible. En outre, notre business dépendant des incidents qualité, nous travaillons beaucoup dans l’urgence. » Si le directeur financier reconnait qu’il serait intéressant « d’avoir un outil de gestion et de structuration de ces personnels », il doute encore qu’il existe un outil du marché capable de répondre à ses attentes.
Le problème de ces grands ERP c’est qu’ils ne considèrent pas une ETI comme la nôtre comme un client prioritaire.
Si Oxalys était déjà utilisé par Trigo France depuis six ans, c’est aussi une volonté de voir les particularités de l’entreprise prises en compte qui l’a conduite à recourir à cet éditeur de taille intermédiaire, plutôt qu’à la brique P2P d’un ERP type Oracle ou SAP. « Le problème de ces grands ERP, c’est qu’ils ne considèrent pas une ETI comme la nôtre comme un client prioritaire et, en cas d’incident ou de besoin d’un développement, nous ne serions pas écoutés », craint Salim Himmi.
Pas de problème de conduite du changement
D’ETI à ETI, il semble en effet que le dialogue soit simplifié puisque le déploiement est mené sans accompagnement particulier, hors Oxalys. Il faut dire que partir d’une feuille blanche en matière de SI achats simplifie la conduite du changement. « Nous n’avons pas vraiment de problématique de conduite du changement parce que l’outil apporte un bénéfice pour les filiales qui, à l’heure actuelle n’ont aucun outil pour faire leurs achats », explique Salim Himmi qui détaille : « l’outil nous permet de mieux rationaliser notre portefeuille fournisseurs et d’industrialiser le processus achats. La fonction de scanning des factures, nous est par exemple extrêmement bénéfique. L’outil nous donne également plus de contrôle et nous donne la possibilité de gérer un budget par type de produits. Nous avons aussi la possibilité de limiter le scope achats de nos utilisateurs à partir de catalogues, de listes de fournisseurs référencés et d’un process cadrés ». A la demande des utilisateurs, en quête de plus de flexibilité, de choix et de comparatif, la direction financière réfléchit d’ailleurs sérieusement à plugger des marketplaces.
Commencé cette année, le déploiement auprès des 400 utilisateurs maîtres (un par site) durera jusqu’à l’année prochaine et devrait être suivi, dans deux ans, par la création d’une fonction achats centrale. Au-delà de la question de qui administre l’outil, se pose en effet celle de la politique achats groupe.
Faire monter l’équipe achats France
« La réflexion sur le modèle cible est en cours, mais il sera peut-être intéressant de faire grandir notre équipe achats France pour la porter à l’international », confie Salim Himmi. L’équipe achats France est en effet en première ligne en tant que sponsor de l’outil et, en accompagnant les filiales dans le déploiement, dessine les prémices d’un pilotage des achats groupe. « Une fois le déploiement effectué, elle pourra montrer ses bonnes pratiques et s’inspirer en retour des connaissances terrain et peut-être identifier des pratiques achats à intégrer dans son modèle. Cette démarche d’échange de bonnes pratiques va permettre de faire monter en compétence l’équipe France », assure Salim Himmi.
Pour rester cohérent par rapport à notre modèle de développement le workflow achats doit rester décentralisé
Avant de créer une fonction achats, le directeur financier estime que Trigo aura dû franchir certains caps en matière de maturité achats. « Nous avons besoin d’abord de bien connaître notre base fournisseur et de l’uniformiser, d’améliorer notre connaissance du processus achats, de la gestion des négociations avec les fournisseurs et de leur sélection. Ensuite nous devons être capable de bien structurer le workflow achats. Pour rester cohérent par rapport à notre modèle de développement, il doit rester décentralisé. Mais il faudra tout de même introduire des validations groupe avec des échelons matriciels », reconnait Salim Himmi. Derrière l’outil et le process achats associé, il restera en effet à trouver le bon dosage sur l’épineuse question de qui détient la décision d’achats.
En chiffres
Chiffre d’affaires : 420 M d’€
Effectif total : 10 000 personnes
Montant des achats : entre 8 % et 10 % du CA hors sous-traitance
Effectif achats : un directeur achats et trois acheteurs en France + une dizaine de correspondant achats