Solution et techno

Avec MyTroc Pro, rien ne s’achète, tout s’échange

Par Mehdi Arhab | Le | Marketplace

Fondé en 2015 par Floriane Addad, le site MyTroc permet à des particuliers de donner, prêter ou échanger des biens et des services contre un autre ou contre une monnaie virtuelle dénommée « noisette ». Initialement conçu sur le segment BtoC donc, le projet a pris une nouvelle dimension en 2018, la startup dupliquant sa solution de réutilisation de matériels à destination des entreprises.

L’équipe de MyTroc Pro - © D.R.
L’équipe de MyTroc Pro - © D.R.

Aucun produit ne se perd, aucun bien ne s’achète, tout se troque : le cri de ralliement de MyTroc pourrait être synthétisé ainsi. Matériel technique et informatique, mobilier et fourniture de bureau, en passant par des tenues et équipements de protection individuelle (EPI) … tout y passe. Grâce à MyTroc Pro, qui promeut des pratiques responsables et solidaires, les organisations professionnelles - entreprises, acteurs publics et collectivités - peuvent s’appuyer sur leur propre plateforme de réemploi, en référençant leurs matériaux inutilisés et en communiquant sur leur disponibilité sous forme d’annonces.

« L’idée était de créer une communauté d’entraide afin de lutter contre la surconsommation d’objets neufs et le gaspillage, repenser le cycle de vie du produit, tout en s’affranchissant de motivations financières », explique Tiphaine Bezard, directrice commerciale et co-fondatrice de MyTroc Pro. Elle a rejoint l’aventure MyTroc trois ans après sa fondation en 2015 pour l’ouvrir sur le BtoB, après un parcours aux achats dans le secteur de la grande distribution et dans l’accompagnement d’entreprises dans leurs initiatives écoresponsables sur la filière du mobilier.

Une dizaine de grands comptes et 300 000 utilisateurs

Agréée ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) et relevant de l’ESS, MyTroc séduit son monde. La PME, constituée en société par action simplifiée, a vu son portefeuille clients gonfler ces six derniers mois. Carrefour, Veolia (et Suez), Keolis, Enedis, Les Arts et Métiers ou encore la région Bourgogne-Franche-Comté sont tous tombés dans son escarcelle. Mais l’histoire n’aurait probablement pas été la même si la SNCF ne s’était pas manifestée en 2018. L’entreprise ferroviaire publique fut le premier grand groupe à se laisser conquérir par la jeune pousse, qui compte douze collaborateurs, principalement sur des fonctions tech et commerciales. « Nous avons rapidement été contactés par la SNCF pour propulser une plateforme de réemploi. Trois intrapreneuses avaient pour mission de mettre sur pied une solution anti-gaspillage dans le groupe. De ce moment-là est née La Boutique Éco, la plateforme anti-gaspi de la SNCF », retrace Tiphaine Bezard. 

Ces actions sont attachées aux achats, avec le souhait de les réduire, pour in fine optimiser les budgets et aller vers plus d’efficience

MyTroc Pro recense aujourd’hui 300 000 utilisateurs qui recourent aux marketplaces développées en interne par ses soins, parmi lesquels 40 000 collaborateurs de la SNCF et 8 000 salariés d’Enedis. La mise à disposition et l’animation de ces solutions sur mesure permet aux organisations de réaliser des économies substantielles sur les achats de produits neufs et sur le coût de traitement de leurs déchets, ainsi que de satisfaire un pan de leur stratégie RSE. « Cela est souvent lié aux objectifs de réduction carbone à horizon 2025-2030 », note la CSO, qui poursuit : « nos clients veulent démultiplier leurs actions pour respecter leurs roadmaps. Le deuxième levier est attaché aux achats, avec le souhait de les réduire, pour in fine optimiser les budgets et aller vers plus d’efficience. »

Quatre millions d’euros et des centaines de milliers de kg de déchets économisés

La SNCF revendique plus d’un million d’euros d’économie depuis le 1er juin 2018, grâce à l’utilisation de sa plateforme MyTroc Pro. Du côté d’Enedis, ce sont plus de 1 000 objets qui ont été réemployés grâce à sa plateforme « Réemploi », soit l’équivalent de 129 900 kg de déchets évités et 513 000 kg de CO2 préservés. Pour les ressources ne trouvant pas preneurs, MyTroc Pro a instauré des boucles ouvertes vers les associations et partenaires industriels de ses clients.

« Le besoin des entreprises et administrations sur des logiques d’une meilleure utilisation des produits en leur possession est prégnant. Tous se demandent comment ils pourraient éviter d’avoir des produits dormants dans leur stock et comment ils pourraient réemployer leurs ressources plutôt que de les jeter. À cela s’ajoutent des enjeux humains et d’adhésion des équipes à une stratégie globale en leur faisant pratiquer des actes responsables au bureau ou sur site », commente Tiphaine Bezard. Au total, ce sont près de quatre millions d’euros qui auraient été économisés sur la seule année 2021 par la dizaine de grands comptes de MyTroc Pro. En moyenne, pour un grand groupe, 450 tonnes de CO2 seraient évitées chaque année. 

Le calculateur carbone que nous avons développé indique à nos clients ce que la pratique du réemploi permet d’éviter en émissions carbones

MyTroc Pro est accessible au moyen d’une licence annuelle, dont le prix est indexé à la taille du client et aux options premiums desquelles il souhaite profiter. L’une d’elle a d’ailleurs valu à la startup le statut de jeune entreprise innovante. « Nous comptons une vingtaine d’options, parmi lesquelles le calculateur carbone que nous avons développé pour indiquer à nos clients ce que la pratique du réemploi permet d’éviter en émissions carbones », expose Tiphaine Bezard. L’outil intégrera sans tarder de l’intelligence artificielle, afin de le relier automatiquement aux bilans carbones des clients et à toutes les bases de données carbones disponibles, dont la principale, la base Ademe. Une innovation portée par Judicaël Decriem, directeur technique de MyTroc Pro et une des trois figures historiques de l’entité, ainsi qu’un doctorant en intelligence artificielle, recruté en début d’année.

L’Europe pour grandir

Dans son ensemble, la plateforme, responsive web design et semblable aux solutions BtoC de ce type, ne nécessite pas de formation. « C’est une solution client légère, ce n’est pas une application, ni un logiciel. Il n’y a rien à installer. La solution comprend un back office pour les administrateurs de la plateforme, sur lequel il est possible d’observer les données en direct, faire des exports … », témoigne Tiphaine Bezard.

Le nombre de clients ne cesse d’augmenter depuis le début de l’année, il est donc impératif de structurer l’équipe pour absorber la demande.

Les effectifs de MyTroc accompagnent les clients dès le début du projet et cela jusqu’à la fin du contrat, leur apportant du conseil et de l’analyse. « Un chef de projet dédié s’attèle à suivre un client de A à Z et à définir notamment en amont la stratégie pour diffuser de la meilleure des manières la plateforme auprès des équipes internes et stimuler son utilisation », développe Tiphaine Bezard. La startup, qui prévoit un chiffre d’affaires compris entre 500 000 et 700 000 euros pour l’année 2022, planifie le recrutement de nouveaux talents pour alimenter sa croissance et accompagner sa conquête européenne. « Le nombre de clients ne cesse d’augmenter depuis le début de l’année, il est donc impératif de structurer l’équipe pour absorber la demande. Les sollicitations venant de Belgique ou encore du Luxembourg sont de plus en plus pressantes », conclut Tiphaine Bezard.