Orange : « Les achats jouent un rôle clé pour proposer des modèles de service en rupture »
Par Mehdi Arhab | Le | Environnement
Sylvie Babikian, directrice achats et supply chain du groupe Orange, détaille le programme de compétitivité à 360° et le plan d’engagement présentés à ses fournisseurs lors du dernier Forum Fournisseur de l’entreprise. Orange entend nouer des partenariats exigeants, qui s’inscrivent dans une obligation de résultat. La RSE et l’innovation occupent dans son esprit des places de choix, ce dans l’optique de construire une supply chain résiliente.
Pour quelles raisons le groupe Orange a-t-il organisé, sous l’impulsion de sa direction achats et supply chain, ce Forum Fournisseurs ?
Cet événement se tenait pour la neuvième fois et a lieu chaque année. L’objectif est d’y réunir nos fournisseurs ainsi que nos principaux prescripteurs. Nos fournisseurs sont établis en France et à l’étranger du fait de la présence d’Orange au sein de 26 pays. Notre modèle d’achat s’appuie à la fois sur une approche globale afin d’aller massifier nos achats à l’échelle du groupe et d’une approche locale, afin de répondre aux besoins de chaque pays.
Ce Forum nous a permis de présenter à nos fournisseurs les orientations du groupe déclinées dans le plan stratégique « Lead the Future » et d’éclairer sur les grands projets qui animeront les prochaines années d’Orange
Christel Heydemann, DG du groupe Orange a introduit la séquence et plusieurs membres du Comité Exécutif sont intervenus, parmi lesquels Laurent Martinez (Finance, Performance et Développement), Bruno Zerbib (Innovation) et Elizabeth Tchoungui (RSE). Un peu plus de 1 000 participants, dont près de 800 fournisseurs, ont assisté en distanciel à cette neuvième édition du Forum. Cette affluence montre combien l’événement a pris de l’ampleur et a été un succès. Ce Forum nous a permis de leur présenter les orientations du groupe déclinées dans le plan stratégique « Lead the Future » et de les éclairer sur les grands projets qui animeront les prochaines années d’Orange.
C’est une manière pour le groupe de parler d’une seule voix et de rappeler, à tous, ce à quoi il prétend et ce qu’il attend. Pour nous, c’est aussi une occasion de partager et d’échanger avec nos fournisseurs sur nos grands enjeux, mais aussi de les positionner comme des partenaires de premier plan et de les embarquer dans l’atteinte de nos objectifs. Nous comptons sur eux pour être force de proposition et pour nous proposer des solutions qui soient bénéfiques à chacune des parties. Nos enjeux sont finalement extrêmement proches des leurs, notamment sur la manière d’articuler stratégie industrielle et impératifs ESG. C’est une problématique à laquelle sont confrontées toutes les entreprises aujourd’hui.
Sur quels sujets avez-vous cherché à les sensibiliser en priorité ?
L’innovation occupe une place de choix dans les activités de notre groupe, elle est au cœur de notre core business. Et forcément, son importance s’est fait ressentir au cours du Forum
L’innovation occupe une place de choix dans les activités de notre groupe, elle est au cœur de notre core business. Et forcément, son importance s’est fait ressentir au cours du Forum. Comme je l’évoquais, il était bon de rappeler la nécessité de combiner stratégie industrielle et développement durable. Le groupe a intégré depuis de nombreuses années les enjeux climatiques au cœur de sa stratégie de manière à délivrer une performance dite durable.
Plus globalement, nous avons profité de la tenue du Forum pour officialiser le lancement d’un plan de compétitivité fournisseurs à 360° qui s’échelonnera jusqu’à fin 2025, intégrant à la fois des impératifs de performance financière, de gestion des risques et de sécurité de l’entreprise - dans un contexte où les tensions géopolitiques et réglementations se font plus pressantes - ainsi que des engagements en matière RSE, aussi bien sociétaux qu’environnementaux. C’est aussi de cette manière que nous pourrons nous assurer de la résilience de notre chaîne d’approvisionnement.
Pour réussir et aller plus loin dans notre collaboration, nous disposons de nombreux leviers sur lesquels nous pouvons travailler ensemble. L’innovation en est un et nous nous devons de coopérer très fortement sur le sujet. La construction de nouveaux business model pour adresser nos sujets est une autre piste à explorer.
L’économie circulaire, aussi bien des équipements clients que des équipements réseaux et IT, est aussi pour Orange une opportunité de gagner en performance sur tous les plans
Nous mettons par ailleurs tout en œuvre pour aider nos fournisseurs à chercher davantage d’efficience opérationnelle, aussi bien dans leur manière de produire, ou encore de livrer ; ce qui leur permettra par la suite de dégager notamment des pistes d’optimisation financière. L’économie circulaire, aussi bien des équipements clients que des équipements réseaux et IT, est aussi pour Orange une opportunité de gagner en performance sur tous les plans. Le recyclage ainsi que le reconditionnement permettent justement de construire des « business models » différents, qui ne peuvent être qu’avantageux pour le groupe, mais aussi pour l’ensemble de nos fournisseurs, peu importe leur taille, leur activité et le volume de dépenses qu’on adresse. Quand bien même les plus importants représentent pour nous des opportunités de massifier à grande échelle, tous nos fournisseurs sont extrêmement importants ; de la petite PME à la grande multinationale, en passant par la startup. Nous avons besoin des produits et services qui répondent le mieux aux besoins de nos prescripteurs et nous permettent d’aller plus loin en termes de performance financière, de gestion du risque et d’accélération dans notre course vers le net zéro carbone.
De quoi a-t-il été question s’agissant du développement durable ?
Nous devons travailler à côté de nos fournisseurs, les aider à évaluer leur maturité, les accompagner pour qu’ils grandissent et puissent à leur tour atteindre leurs propres objectifs
Ce volet a été longuement abordé tout au long du Forum. Le groupe a accéléré le pas et consacre notamment une grande partie de ses efforts à la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre un objectif Net Zéro Carbone d’ici 2040. Nous avons une conviction : nous ne pourrons avancer vers cet objectif que main dans main avec nos fournisseurs. Nous devons travailler à leur côté, les aider à évaluer leur maturité, les accompagner pour qu’ils grandissent et puissent à leur tour atteindre leurs propres objectifs. Nous ne pouvons pas exiger la même chose de tous. Notre but à terme est que tous prennent des engagements réalistes mais ambitieux en matière de décarbonation.
Le tout est de prioriser et de se concentrer d’abord sur les fournisseurs les plus importants et les plus émissifs, avec l’établissement de « contrats de progrès », qui constitueront un plan d’accompagnement. Tout cela sera défini par un plan d’engagement fournisseurs.
Quel est son contour ?
Nous continuons de le peaufiner et de définir notre stratégie multi-entités. Les Achats ne sont pas les seuls à se saisir du sujet, puisque notre plan stratégique « Lead the Future » prévoit la mise en place d’un nouveau modèle d’entreprise guidé par une politique ambitieuse de responsabilité sociale, environnementale et d’excellence opérationnelle. Bien entendu, les prescripteurs sont dans la boucle et ont un rôle extrêmement important à jouer, sans oublier celui joué par la direction de la responsabilité sociétale d’entreprise.
Des démarches de co-construction, liées spécifiquement sur des produits que nous leur achetons, sont à l’étude
C’est essentiel pour adresser au mieux le sujet et être crédible au moment de demander à nos fournisseurs de prendre des engagements en matière de décarbonation et de protection de l’environnement. Des démarches de co-construction, liées spécifiquement sur des produits que nous leur achetons, sont à l’étude. Une montée en compétences, en interne et chez nos fournisseurs, est plus que nécessaire pour établir des méthodologies fiables. Le secteur des télécommunications a bien avancé sur le sujet mais nous nous devons d’accélérer. Engager nos fournisseurs sur notre ambition net zéro carbone exige de leur proposer des outils et une vision standardisée.
Sur le plan de l’innovation, qu’attendent vos prescripteurs des Achats ?
Nous sommes positionnés en amont et travaillons sur la base de cahiers des charges réalisés par nos prescripteurs. Notre rôle est de définir les bonnes stratégies d’achats, d’aider le prescripteur dans la définition du besoin pour le servir au mieux et échanger avec lui sur les axes d’innovation qu’il attend. Cela dit, nous nous devons d’être force de proposition et anticiper. S’appuyer sur l’innovation et faire de la veille sont clés. Notre collaboration avec les équipes Innovation est très étroite, notamment sur nos catégories d’achats les plus stratégiques. Les achats jouent un rôle majeur pour proposer des produits et des modèles de service en rupture et qui vont permettre d’atteindre d’une part nos objectifs de performance financière et, d’autre part nos fortes ambitions en termes de décarbonation.
Parvenez-vous aujourd’hui à faire rencontrer innovation et développement durable chez vos fournisseurs ?
Absolument. La direction des achats, la direction RSE et la direction de l’Innovation partagent leur feuille de route. Notre organisation est construite ainsi, il est essentiel de travailler de la sorte, de casser les silos et d’être bien alignés pour penser et déployer des lignes directrices fortes, structurantes et des stratégies globales d’achats. C’est capital pour lancer des projets comme ceux qui sont les nôtres à l’endroit de nos fournisseurs.
La conjoncture vous semble-t-elle une opportunité ou un frein ?
Le contexte est pour le moins instable, personne ne peut le nier. Depuis quelques années, nous avons appris à prévenir le risque. Et c’est une avancée extrêmement importante. Cette composante faisait déjà partie intégrante de l’activité Achats mais, les risques se sont multipliés et nous avons développé de grandes expertises sur le sujet pour nous adapter à ce contexte, et ce notamment en termes de prévention. C’est une vraie force sur laquelle nous pouvons compter.
Bruno Zerbib (Chief Technology & Innovation Officer du groupe) a rappelé au cours du Forum que les contraintes RSE sont saines. Elles nous obligent à penser différemment et à se réinventer
L’économie circulaire et l’innovation sont pour nous de vraies opportunités. Bruno Zerbib a rappelé d’ailleurs au cours du Forum que les contraintes RSE sont saines. Elles nous obligent à penser différemment et à se réinventer. Cela pousse au partenariat, à ne pas se cloîtrer et à rechercher des nouveaux modèles. Finalement, nous faisons en sorte de faire de ces contraintes des opportunités qui profitent au groupe et à nos fournisseurs.