Chez Schmidt Groupe, le principe de responsabilité irrigue tous les actes d’achats
Par Mehdi Arhab | Le | Environnement
Laurent Belloni, directeur des achats de Schmidt Groupe, et ses équipes ne chôment pas. Dans la droite lignée de l’approche dictée par la direction générale, tous multiplient les efforts pour irriguer les achats de pratiques responsables et durables. Et les initiatives, nombreuses, concrètes - aussi bien en matière de sourcing des matières que de pilotage de la relation fournisseurs, permettent à l’entreprise de rêver plus grand.
« L’entreprise de demain sera RSE ou ne le sera pas ». La formule peut faire sourire, paraître vague voire fade pour certains, mais pour Schmidt Groupe, ce ne sont pas de vains mots. Pour le fabricant alsacien de cuisines, le développement durable et, plus globalement, tous les éléments de la RSE apparaissent non pas comme une idée mais bien comme un idéal à toucher du doigt, ou mieux, une exigence à satisfaire. Comme dirait l’autre, c’est au quotidien que le développement devient durable. Cette réalité est celle d’un groupe familial qui est irrigué par une conviction profonde. « Nous voulons faire bien plus que notre part du chemin », explique très simplement Laurent Belloni, directeur des achats du groupe et membre du comité de direction. Et les sujets sur lesquels l’entreprise s’est positionnée sont nombreux : la décarbonation, bien sûr, l’emploi de matière recyclées et recyclables, la réparabilité, le réemploi ou encore l’inclusion des personnes éloignées de l’emploi, en témoignent les 130 personnes en situation d’handicap ou encore de réinsertion auxquelles l’entreprise fait appel, à temps plein et ce tout au long de l’année avec trois établissements en Alsace.
Plus largement, le groupe, désireux de faire montre de ses bonnes pratiques, avance doucement mais sûrement vers la certification B Corp. Un processus lancée en 2021 et qui devrait payer incessamment. « C’est un objectif affiché depuis l’arrivée d’Anne Leitzgen (NDLR : petite-fille d’Hubert Schmidt, fondateur de l’entreprise) à la tête du groupe. Nous avons rejoint la communauté des entreprises certifiées B Corp en fin d’année 2023 », confirme Laurent Belloni.
Implanté en Alsace depuis sa naissance, Schmidt Groupe emploie près de 1 900 personnes réparties entre son siège, ses quatre sites de production et ses filiales européennes. Le groupe a enregistré en 2022 un chiffre d’affaires fabricant de 670 millions d’euros. Un résultat qui prend une toute autre dimension si l’on prend l’entreprise au sens élargi. Et pour cause, le groupe s’appuie sur un réseau de concessionnaires exclusifs et indépendants de plus de 900 magasins dans 22 pays, qui regroupent plus de 8 000 personnes pour un chiffre d’affaires d’environ 1,9 milliard d’euros en distribution sur la même année 2022.
Une approche responsable des achats
Des chiffres dont le groupe ne pourrait pas se targuer sans l’appui de son panel fournisseurs. La direction des achats, constituée par une équipe de 21 personnes, adresse un peu plus de 500 millions d’euros de dépenses externes. La feuille de route définie par Laurent Belloni s’articule autour de trois grands axes : la maîtrise des dépenses - et non la réduction des coûts, la continuité d’activité, ainsi que la transition environnementale et énergétique. Le plan de marche de Laurent Belloni a été pensé pour que les Achats apparaissent réellement comme un soutien de premier ordre au plan de croissance du groupe. Ou comment faire de la direction des achats un bras armé de choix pour aider l’entreprise à atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires (hors réseau) d’ici 2030. Des ambitions de croissance extrêmement importantes et qui sont donc corrélées à des engagements appuyés en matière de RSE.
La RSE est l’affaire de tous et chacun des acheteurs est objectivé sur le sujet pour ce qui concerne leur part de rémunération variable
Ceux-ci sont d’ailleurs déclinés à chacun des services achats de la direction : le service achats matière, le service achats indirects, le service achats électroménagers et, pour finir, le service organisation et performance achats chargé d’adresser la qualité fournisseurs, les taux de service et aussi d’animer le pilotage de projets RSE. « La RSE est l’affaire de tous et chacun des acheteurs est objectivé sur le sujet pour ce qui concerne leur part de rémunération variable », explique Laurent Belloni. Une manière pour le patron des achats de maintenir une forme de cohérence entre les objectifs achats en la matière avec la vision de l’entreprise qui développe, depuis quelques années, de nombreuses innovations et nouveautés éco-responsables avec ses marques Cuisinella et Schmidt. L’une des dernières en date réside dans la création de façades de meubles fabriquées intégralement à partir de bois issu de filières de recyclage et sourcé, évidemment, par les Achats. Laurent Belloni et ses équipes privilégient ainsi les matériaux naturels et des panneaux à faible taux de formaldéhyde, recyclables à 100 %, de qualité supérieure et résistant au temps - car garder pour longtemps, c’est aussi jeter moins souvent. « Ce choix d’entreprise se traduit par des cahiers des charges remaniés et des restrictions sur des matières à ne plus utiliser. Nous ne sommes pas le seul à le porter, nous travaillons en étroite collaboration avec le Marketing et le Bureau d’étude ».
À terme, je suis persuadé que cela rejaillira dans les pratiques d’achats des consommateurs, qui se tourneront vers des produits alignés avec des valeurs de progrès
Une bonne pratique comme d’autres que la direction des achats met en avant et qui lui ont valu d’obtenir pour la première fois le Label RFAR en 2018. Son renouvellement est d’ailleurs en cours. Les usines et bureaux du groupe sont chauffés avec ses chutes de bois ; ses déchets sont traités ou recyclés afin de réduire ses rejets polluants. La flotte de véhicules du groupe a aussi été électrifiée, les néons sur les sites du groupe ont été remplacés par des lampes LED basse consommation et la direction des achats a multiplié les contrats pour approvisionner les sites du groupe en électricité verte. Et en plus de cela, les surcoûts sont faibles, voire inexistants, assure Laurent Belloni. « En amenant des preuves de nos bonnes pratiques, nous les faisons reconnaître par les labels les plus exigeants. À terme, je suis persuadé que cela rejaillira dans les pratiques d’achats des consommateurs, qui se tourneront vers des produits alignés avec des valeurs de progrès. En se mettant au défi, nous avons déployé un certain nombre d’initiatives qui ont conduit à la construction des plans d’action », poursuit-il. Pour avancer vers la labellisation, le groupe avait d’ailleurs repensé son système de production.
Nous mettons en œuvre ce que nous appelons la réciprocité d’achat. Nous achetons dans les pays où l’on vend, c’est une chose à laquelle nous sommes très attaché
« Chaque projet dessiné est unique et se destine à un client spécifique. Notre système a donc été imaginé pour répondre à cet enjeu, sachant que nous traitons près de 200 000 projets par an pour 7 millions de colis. Nous nous sommes inspirés des méthodes de production japonaises pour avoir un système de fabrication de juste à temps ». Un choix stratégique qui nécessite de renforcer le pilotage de la relation fournisseurs. « C’est un prérequis pour assurer sur les plans de la qualité et des délais notamment », soutient Laurent Belloni. Et à ce sujet, la direction des achats de Schmidt Groupe a développé une réelle expertise. Celle-ci s’attache à travailler autant que faire se peut avec des acteurs locaux, puis nationaux, européens et enfin mondiaux quand la nécessité se fait ressentir pour maintenir l’emploi de proximité et réduire l’empreinte carbone des approvisionnements. « Nous mettons en œuvre ce que nous appelons la réciprocité d’achat. Nous achetons dans les pays où l’on vend, c’est une chose à laquelle nous sommes très attaché ; en revanche, nous ne sourcons pas et n’achetons pas là où les indices de corruption sont les plus élevés », commente le directeur des achats.
Le Covid, un tournant dans la relation fournisseurs
Convaincue d’être dans le vrai, la direction des achats n’a jamais trahi ses principes, même au plus fort de la crise Covid. Cette période inédite a finalement été une mosaïque mêlant dangers et opportunités. Schmidt Groupe et sa direction des achats se sont mis en ordre de marche pour en tirer un maximum de bénéfices pour le business. Ainsi, durant la pandémie et les confinements successifs, la direction des achats a veillé à ce que les fournisseurs du groupe soient payés, coûte que coûte, rubis sur l’ongle, mettant tout en œuvre pour aider ses tiers les plus en difficultés face à la crise financière.
Dès lors, elle a mis sur pied un outil d’évaluation servant à mesurer le risque de défaillance de ses fournisseurs les plus fragiles, leur envoyant un questionnaire de quelques questions pour s’informer sur la manière dont ils traversaient la crise d’un point de vue financier, mais aussi sanitaire. La direction des achats s’est en ce sens organisée pour sourcer et fournir des masques et gels hydro alcooliques à certains d’entre eux. Et de la sorte, les Achats sont parvenus à assurer la continuité de la relation et à préparer comme il se doit la réouverture de ses sites de production, synonyme de reprise de l’activité.
Si nos fournisseurs n’étaient pas en état de reprendre, nous aurions vécu des moments encore plus difficiles et n’aurions pas pu reprendre notre activité
Des initiatives qui se sont bien évidemment révélées plus que précieuses. Et pour cause, la direction des achats a comme cela naturellement embarqué ses fournisseurs durant la phase de reprise, se gardant de subir des ruptures d’approvisionnement. « À l’annonce du premier confinement et des fermetures d’usine, le comité de direction était intimement convaincu que nous devions veiller à ce que l’ensemble de notre écosystème soit en pleine forme pour redémarrer la machine. Si nos fournisseurs n’étaient pas en état de reprendre, nous aurions vécu des moments encore plus difficiles et n’aurions pas pu reprendre notre activité. Nous avons la chance de bénéficier d’une trésorerie saine. En plus d’avoir arrêté de prélever notre réseau, nous avons décidé de payer nos fournisseurs et de maintenir du lien en permanence. Nous nous sommes organisés en conséquence et nous nous sommes enquis de leur bonne santé », retrace Laurent Belloni.
Et à la reprise, Schmidt Groupe a vu ses fournisseurs le privilégier. Un avantage certain au moment où les acteurs du secteur se sont rués vers le marché pour sécuriser leurs appros en matières premières. « La responsabilité ne relève pas d’une logique des Achats, mais bien d’une logique d’entreprise, rappelle Laurent Belloni. Plus qu’un avantage concurrentiel, cette manière d’opérer est essentielle pour exister. C’est de la sorte que nous avons obtenu la confiance des fournisseurs et que nous avons pu réaliser d’excellents exercices en 2021, 2022 et 2023 ».
Le scope 3, prochain chantier d’envergure
Les prochains qui se dressent devant Schmidt Groupe sont nombreux. Le groupe entend poursuivre sur lancée et vise la neutralité carbone sur ses scopes 1 et 2, sans compensation, à l’horizon 2030. Pour ce qui concerne son scope 3, l’entreprise, dont le bilan carboné s’élève à un peu plus de 280 000 tonnes, étudie les leviers les plus efficaces avant d’officialiser son plan de marche. Mais nul doute qu’elle pourra compter sur ses fournisseurs dans cette course. « Nous sommes en train de construire une trajectoire qui doit encore être affinée et l’entreprise s’organise sur le sujet », confirme Laurent Belloni. Ce dernier ne le cache pas, la pleine satisfaction du consommateur guide les choix et les modes de fonctionnement de l’entreprise. Et les résultats parlent d’eux-mêmes. « Nous maintenons des taux de service à des niveaux d’excellence, à hauteur de 99 %. Nous avons aussi divisé par deux la non-qualité », revendique le directeur des achats.
« Agir ainsi nous a permis de sécuriser les marges de l’entreprise, de dénicher des économies ici et là et surtout d’avoir des fonds disponibles. Ces fonds ont permis de lancer des campagnes de promotion de communication, lesquelles ont généré du trafic et donc du commerce. Cela nous profite mais également à nos fournisseurs qui bénéficient du business qu’on leur confie », conclut Laurent Belloni.