Les agences événementielles en quête de respect de la part des donneurs d’ordres
Par Guillaume Trecan | Le | Prestations intellectuelles
L’association LÉVÉNEMENT mène actuellement une campagne d’alerte sur les dérives des appels d’offres dans le secteur communication et événementiel. Selon ses membres, 20 % seulement des appels d’offres seraient menés de manière responsable.
Lors d’un événement en ligne organisé par l’association, le 3 novembre, Arnaud Chouraki, directeur de l’agence MCI France et vice-président de LÉVÉNEMENT n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat : « aujourd’hui des annonceurs profitent de la crise ». Le courroux de la profession qu’il relaie ainsi, trouve sa cause dans des appels d’offres imprécis, mettant en compétition un trop grand nombre d’agences et requérant des livrables trop détaillés et non rémunérés. D’où les cinq revendications portées par l’association : trois semaines minimum pour répondre ; trois agences maximum en compétition ; une indemnisation des perdants au regard du travail effectué ; un brief écrit associé au budget et un nombre de livrables limité.
Une méconnaissance des structures de coût des prestations
Selon les résultats du sondage réalisé par l’association, seuls 47 % des briefs sont suffisamment consistants pour donner lieu à une réponse de qualité. Les annonceurs sont en effet fortement soupçonnés de méconnaître voire de se désintéresser des métiers de l’événementiel et de la communication. « Peu de gens passent du temps à comprendre nos métiers, confirme Mercedes Erra, vice-présidente de la filière Communication et vice-présidente exécutive d’Havas Worldwide. Cela demande du temps, de l’intelligence, de l’approfondissement pour comprendre les différents métiers de la filière : événements, communication, relations publiques. Plus les clients comprendront de quelles compétences il s’agit, plus nous avons des chances d’être bons. »
Spécialisé dans l’optimisation du coût des campagnes de communication, Michel Georget, consultant pour The adDRESS, se fait plus précis et jette une pierre dans le jardin des Achats : « peu d’acheteurs aujourd’hui ont compris que, dans une règle de 80/20, l’agence va acheter des prestations pour à peu près 80 % pour le compte de l’annonceur, le reste étant beaucoup de rémunération, de jours homme pour le temps passé. »
Les Achats sont aussi là pour aider les départements marketing à construire les cahiers des charges
Sur ce point, difficile de ne pas être d’accord pour gagner en maturité. Représentant la voix des acheteurs lors d’une table ronde, la directrice achats France de BMW, Chloé Rothenbühler confirme que « les Achats sont aussi là pour aider les départements marketing à construire les cahiers des charges, avec les bonnes informations, avec des objectifs, avec des KPI, etc. »
Des appels d’offres trop systématiques
De même, elle accrédite le fait que le recours aux appels d’offres ne doit pas être systématique, rappelant le souhait de son service d’établir autant que possible des partenariats sur plusieurs années. « Il est important de mener des appels d’offres de façon raisonnée. La course aux appels d’offres épuise les agences, cela épuise également en interne, les départements marketing et les départements achats », complète la directrice achats.
Sur la question de l’indemnisation des investissements consentis par les agences pour répondre à des appels d’offres, à l’unisson des deux autres responsables achats invités à débattre par LÉVÉNEMENT, elle fait part de ses réticences. « Ce n’est pas une pratique d’indemniser chez BMW France. Nous demandons des pitchs de manière très raisonnable et pour confier du business, pas pour voir et certainement pas pour voler les idées des agences », explique-t-elle.
Des pitchs trop rarement indemnisés
Arnaud Chouraki chiffre précisément l’enjeu de ces indemnisations qui représente selon lui entre 4 % et 8 % du chiffre d’affaires des projets hors temps passé. Le sondage présenté par LÉVÉNEMENT indiquant que 7 % seulement des compétitions sont indemnisées et seulement à hauteur de 10 % des investissements engagés.
Si l’on est sur des montants petits à moyens, indemniser une agence va être très compliqué
Pour le directeur achats de Manpower, Cédric Ngo Van, c’est justement en mettant des chiffres sur cette question des indemnisations des livrables des appels d’offres que l’on pourra avancer. Il n’oublie pas pour autant de fixer sa limite : « l’encadrer sur des montants importants, cela peut être discuté. Mais, si l’on est sur des montants petits à moyens, indemniser une agence va être très compliqué, je considère que c’est de l’acquisition de clientèle. » Preuve que le débat lancé par LÉVÉNEMENT n’est pas vain et qu’un dialogue est possible, Arnaud Chouraki le rejoint sur ce point : « Evidemment la rémunération doit être proportionnelle au projet. Pour un projet avec un chiffre d’affaires de 100 000 euros, elle n’est pas indispensable », concède-t-il.