Porté par l’inflation, le voyage d’affaires n’a jamais été aussi proche de son niveau d’avant crise
Par Mehdi Arhab | Le | Mobilités
Le baromètre EPSA sur les voyages d’affaires, présenté dans le cadre de l’IFTM Top Resa 2023, confirme que le secteur (re)prend des couleurs. Ce redressement, davantage caractérisé par la tendance haussière que par la similarité du niveau d’allées et venues professionnelles de 2019, devrait toutefois être marqué par une forme de rationalisation dans les mois qui viennent. Les entreprises prévoient en effet de contenir et d’optimiser leurs dépenses en la matière en raison de l’inflation justement et de l’impératif lié à la question climatique.
Après deux années franchement difficiles en 2020 et 2021, du fait du ralentissement - voire de l’interruption totale - de l’activité, un fort rebond avait été constaté en 2022 dans l’environnement des voyages d’affaires. Le secteur, qui avait profité de la reprise des déplacements professionnels, s’était en effet redressé et avait recouvert 67 % de son niveau d’avant crise. Après l’exercice passé, l’année 2023 est celle de la confirmation. Pour les entreprises et acteurs du secteur, elle constitue une nouvelle année de référence, avec un niveau de dépenses qui devrait atteindre, selon les projections, 28,5 milliards d’euros, soit 95 % des dépenses enregistrées en 2019, à savoir 29,9 milliards d’euros. À titre de comparaison, les dépenses s’élevaient à 20,5 milliards d’euros en 2022. Et la dynamique devrait encore se prolonger ; Epsa affirmant que les dépenses augmenteront de nouveau en 2024. Toutefois, la hausse ne devrait pas être aussi conséquente.
Le volume de voyages d’affaires en net retrait
La demande devrait, selon toute vraisemblance, se stabiliser. Plus que dans la reprise des déplacements, cette forte progression entre 2022 et 2023 tire ses origines dans l’inflation. Comme le rappelle Epsa, les prix des billets de train ont par exemple augmenté de 6,8 % entre le premier semestre 2022 et le premier semestre 2023.
Au demeurant, un voyage professionnel sur cinq a été remplacé de façon pérenne par les dispositifs de visioconférence. Les pratiques, à la suite de l’apparition du Covid 19, ont été grandement bouleversées et continueront de l’être. Le volume de déplacements a de fait nettement chuté, à hauteur de 20 % par rapport à l’avant-Covid. Le contexte inflationniste étant tel, et ce sur tous les segments, qu’il vient simplement compenser cette perte de vitesse, ramenant les niveaux de dépenses et les budgets 2023 à ceux d’avant crise. En somme, les entreprises voyagent moins mais pour plus cher.
Ainsi, le cabinet de conseil opérationnel dévoile deux scénarios pour l’année à venir. Le plus optimiste chiffre le niveau de dépenses en 2024 à 31,3 milliards, soit respectivement 105 % du niveau de dépenses de l’année 2019, référence absolue avant-pandémie. Dans son deuxième scénario, plus conservateur, Epsa indique « qu’un certain effet plateau pourrait se faire ressentir ». Le niveau de dépenses atteindra alors « seulement » 29,2 milliards d’euros.
Les impératifs liés au climat vont tout changer
La transition écologique et les enjeux qui en découlent, ainsi que le manque de personnel et les difficultés pour les acteurs du voyage à recruter constituent d’autres raisons qui contribueront au ralentissement du secteur. Comme le note d’ailleurs le cabinet dans son étude, « en 2024, l’urgence climatique sera encore plus structurante, avec une vigilance accrue des entreprises sur le besoin de se déplacer. » La loi Climat et résilience prévoit déjà la suppression des vols intérieurs en cas d’alternative en train de moins de 2h30. Et une bascule de l’avion au train sur certains trajets, de 3h30, a été remarquée par Epsa dans son étude.
Alors que les prix du ferroviaire sont en hausse, ceux des billets d’avion moyen et long-courrier au premier le sont également et continuent d’exploser. Une hausse qui relève notamment de l’augmentation des prix du kérosène et du renouvellement des flottes, mais aussi du désir des compagnies de restaurer leurs marges, fortement affectées par l’arrêt de l’activité en 2020 et 2021. De plus, celles-ci ne comptent pas céder aux négociations de leurs clients, d’autant que leurs taux d’occupation restent élevés.
Pour autant, le secteur aérien et celui du ferroviaire également doivent absolument repenser leur modèle, car la manière de voyager change durablement sous l’effet d’une pression de l’opinion quant à l’incidence environnementale des déplacements. Pour ce dernier, de nouveaux entrants pointent le bout de leur nez et la SNCF ne devrait plus rester seule très longtemps sur le segment de la grande vitesse. Toutefois, elle peut compter sur le TGV M, dont la mise en circulation est prévue pour fin 2024, et qui consommera 32 % de CO2 en moins que les trains actuels.