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CMA : Est-il important d’adopter une vision de long terme sur ses achats d’énergie ?

Par Mehdi Arhab | Le | Énergie environnement

Lors de l’avant-dernier Club des Managers Achats de l’année, une vingtaine de directeurs et responsables achats de grands groupes, ETI et PME se sont réunis pour échanger autour de leurs stratégies d’achats d’énergie. Et depuis quelques années, beaucoup d’entre eux avouent avoir changé leur approche. La crise du Covid et la guerre en Ukraine sont notamment passées par là. Compte-rendu non exhaustif.

CMA : Est-il important d’adopter une vision de long terme sur ses achats d’énergie ?
CMA : Est-il important d’adopter une vision de long terme sur ses achats d’énergie ?

Les achats d’énergie ne sont pas anodins. Ils restent dans le périmètre d’intervention des achats, mais ce qui a changé depuis quelques années, c’est le mode de gouvernance autour. Nous rapportons à ce sujet forcément au top management désormais

Face à la dure réalité d’une énergie (toujours) plus chère, de nombreux donneurs d’ordre ont fait passer le sujet en haut de la pile. Devenue une catégorie d’achats stratégique, extrêmement complexe à adresser, l’énergie est une véritable source de stress pour les entreprises. Elle a même atterri dans certaines d’entreprises sur le bureau de la direction générale. « Les achats d’énergie ne sont pas anodins. Ils restent dans le périmètre d’intervention des achats, mais ce qui a changé depuis quelques années, c’est le mode de gouvernance autour. Nous rapportons à ce sujet forcément au top management désormais », explique l’un des invités. Preuve ici de l’enjeu.

Désormais, pour contrer les difficultés et aléas, beaucoup de groupes tentent d’adopter une vision à long terme de leurs achats en la matière, tentant d’anticiper leurs besoins, mais aussi et surtout les coûts énergétiques futurs plutôt que de se concentrer, comme ils pouvaient le faire à une époque, uniquement sur les aspects immédiats ou de court terme. Tenir compte des fluctuations du marché, des évolutions technologiques et des impacts économiques à venir relèvent du casse-tête. Mais dans l’absolu, adopter une stratégie à long terme sur ses achats d’énergie peut permettre de lisser ses coûts sur plusieurs années. À un moment où les prix de l’électricité et du gaz sont très instables, du fait bien sûr de l’évolution de l’offre et de la demande, mais aussi du fait du contexte géopolitique, ce n’est évidemment pas de trop. En ce sens, de nombreux donneurs d’ordre sont séduits par la possibilité de sécuriser une quantité d’énergie verte à des prix stables sur plusieurs années, offerte par les Power Purchase Agreement (PPA).

Et en quelques temps seulement, le marché a pris une dimension insoupçonnée et de nombreux grands groupes ont communiqué à ce sujet, indiquant y recourir. Une manière pour eux de maîtriser leurs coûts en matière d’achat d’énergie, de minimiser leur exposition aux hausses de prix observées notamment depuis le début de la guerre en Ukraine et de se protéger en cas de crise majeure, voire pire, de pénurie. Le PPA est aujourd’hui le seul mécanisme qui permet de prendre des positions d’achat d’énergie à moyen et long terme. Et c’est là qu’est tout l’avantage de cet instrument. Le prix d’achat, bien que pouvant être indexé, reste assez stable, sous contrôle et est évidemment beaucoup moins volatil que ce que le marché classique impose. C’est pour beaucoup une solution de premier choix pour contrer la conjoncture et également de réduire sa dépendance aux énergies fossiles. C’est aussi pourquoi les PPA commencent à occuper désormais une place centrale dans la stratégie d’achats d’énergie de grands noms de l’économie française, et cela, aussi, à un moment de l’histoire où la question de la transition énergétique gagne du terrain. Sécurisation des approvisionnements en énergie renouvelable sur le long terme, transition vers ces mêmes énergies renouvelables, maîtrise des coûts, sécurité financière … Que demander de plus finalement ?

Gestion et planification pour l’électricité comme pour le gaz ?

Plutôt que d’acheter l’énergie au jour le jour ou sur des périodes très courtes, beaucoup d’entreprises ont donc décidé de fixer des contrats à long terme avec leur(s) fournisseur(s) d’énergie. Penser à long terme peut par ailleurs pousser les entreprises à mieux cadrer leurs investissements et à revoir leurs infrastructures pour gagner en efficience sur le plan énergétique. Alors que l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), qui permettait à tous les fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité auprès d’EDF dans des conditions fixées par les pouvoirs publics et qu’EDF répliquait dans ses offres, prendra fin en 2025, après avoir diminué progressivement en vertu du cadre réglementaire établi par la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) de 2015, les entreprises profitent de la conjoncture pour changer leur fusil d’épaule.

Mais comme le rappelle l’un des invités, il n’y pas que l’électricité dans la vie. « Cette approche est très franco-française. Les achats d’énergie concernent aussi le gaz par exemple ». Alors, cette énergie peut-elle être appréhendée de la même manière ? Comment trouver le meilleur contrat pour son entreprise ? Là aussi, il est essentiel d’examiner, d’abord, ses besoins en énergie. Autrement dit, d’analyser ses types de consommation, aussi bien pour ses équipements (chauffage et autres) que pour ses process. Et là aussi, la variabilité joue beaucoup également. Comme c’est le cas pour l’électricité, plus ce poste de dépense est important et pèse sur le budget de l’entreprise, plus il est important de le maîtriser et d’estimer le degré de risque à prendre. Comment ? Par anticipation, par suivi constant des marchés ou en se rendant directement dessus ? Telle est la question.

Ce type de contrat, compte tenu de nos consommations, nous intéressait. Mais une chose nous a freiné : le prix

Moins démocratisé, il existe tout de même un mécanisme similaire au PPA pour le gaz : le BPA (biogas purchase agreement). L’un des convives explique avoir étudié le sujet. « Ce type de contrat, compte tenu de nos consommations, nous intéressait. Mais une chose nous a freiné : le prix », admet-il. Le dispositif reste toutefois prometteur. Le BPA est comme le PPA un contrat de gré à gré entre un client et un producteur de biométhane. À l’instar des PPA, les prix, les volumes, et la durée du contrat sont négociés entre les deux parties. Les entreprises qui y songent intègrent là-aussi leur réflexion dans une logique de sécurisation de leur approvisionnement en s’affranchissant des risques géopolitiques, de décarbonation et de gain de visibilité à long terme sur leur prix d’achat. Mais peu importe le choix effectué, la stratégie établie et employé, les entreprises feront toujours face à un seul juge : le marché. Et comme le rappelle si bien l’un des invités, « les fournisseurs, compte tenu de la structure du marché et de leur position, seront toujours en position de force ».