Auchan : « nous avons fait un choix collectif et cela diminue les risques de résistance »
Par Mehdi Arhab | Le | Si ha
Fabrice Guillet, directeur process - solutions & data - performance au sein de la direction des achats indirects d’Auchan, détaille les différents sujets inscrits sur sa feuille de route d’accélération de la digitalisation des Achats du groupe. Après, l’adoption d’une colonne vertébrale P2P et d’un outil de pilotage de la performance achats, place au SRM, à la mesure de la RSE et à l’IA.
Les choix SI Achats d’Auchan
P2P : SAP Ariba
Pilotage de la performance achats : SpendHQ (Per Angusta)
SRM : Synertrade
Contract Management : Hyperlex
A suivre…
Pouvez-vous nous rappeler l’historique de la direction des achats indirects d’Auchan ?
La direction des achats indirects d’Auchan a été créée il y a douze ans et profite aujourd’hui d’une certaine maturité. Elle s’appuie sur des méthodes éprouvées et des processus travaillés avec les parties prenantes de l’entreprise. C’est ce à quoi nous aspirons, même si nous n’excluons pas de répondre à certains besoins spécifiques dans nos pays. Le core model offre un cadre, d’un point de vue SI et processus notamment. Nous veillons à ce que nos outils soient utiles à nos pays, c’est comme cela que nous travaillons.
Une centaine de personnes, sur des postes d’acheteurs, de category managers, de contrôleurs de gestion, d’analystes et d’administrateurs achats, opèrent à la direction des achats indirects dans une douzaine de pays. Le portefeuille de dépenses de la direction des achats indirects s’élève à 3,4 milliards d’euros.
Quel regard porte Yannick Haven, directeur des achats indirects, sur le sujet de la digitalisation ?
Il porte un intérêt tout particulier sur le sujet. C’est un soutien de tous les instants et c’est une chance. Nous sommes en phase et nous ne pourrions travailler ensemble de la sorte s’il n’était pas intéressé par le sujet.
Comment avez-vous décliné votre feuille de route digitale pour répondre aux enjeux stratégiques de la direction ?
Sur la partie pilotage des gains et de la performance, nous avons opté pour SpendHQ (Per Angusta). Sur la partie procure-to-pay, nous nous appuyons sur SAP Ariba
Plutôt que de tout bousculer lors de mon arrivée il y a quatre ans, j’ai établi un diagnostic pour comprendre notre fonctionnement. J’ai pour cela interrogé nos collaborateurs, pris note de leurs retours et constaté ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. Le tout étant d’avoir des outils qui répondent aux besoins des utilisateurs. Sur la partie pilotage des gains et de la performance, nous avons opté il y a un an et demi pour SpendHQ (Per Angusta). Sur la partie procure-to-pay, nous nous appuyons sur SAP Ariba, qui constitue la colonne vertébrale de notre mode de fonctionnement en termes d’outils. Nous allons par ailleurs renouveler certains de nos outils, notamment sur la phase de sourcing.
Nous nous octroyons par ailleurs la possibilité de choisir parmi certains outils qui seront aussi revus dans le groupe Auchan, pour ne pas se noyer dans une multitude de solutions différentes. Par exemple, pour ce qui concerne le contract management, nous allons nous greffer sur l’outil Hyperlex qui est en train d’être implémenté. Ce sera également le cas sur la partie sureté économique. Nous avons par ailleurs lancé en 2022 un programme, que nous avons baptisé « Dune », avec l’idée sous-jacente d’accélérer la digitalisation de nos achats en impliquant les acteurs métiers.
Quel est son contour ?
Nous veillons à conserver un fonctionnement en core model sur l’ensemble de nos outils. Le rétroplanning est posé. Nous allons, pour commencer, combler notre principal besoin, en déployant dès cette année un SRM avec Synertrade afin d’avoir une vision à 360° de nos fournisseurs sur l’ensemble de nos périmètres. Le plus important est qu’il permette de donner du liant entre tous les outils - e-catalogues, évaluation des risques, finance, conformité, sourcing, contractualisation et RSE - qui gravitent autour de notre SI. L’idée est d’avoir un « cockpit », dans lequel nos équipes peuvent être alertées d’une situation, ou les aider à la prise de décision.
L’implémentation d’un SRM doit nous permettre de créer davantage de partenariats stratégiques
Nous allons ainsi grâce à notre SRM pouvoir mesurer et accentuer la performance de nos fournisseurs, nos dépenses et piloter nos échanges avec eux. Mais, par-dessus tout, l’implémentation d’un SRM doit nous permettre de créer davantage de partenariats stratégiques avec nos fournisseurs et développer dans le temps des innovations communes qui profitent à tous. La notion de co-construction est vraiment le maître mot de cette démarche.
Nous allons ensuite poursuivre notre marche en 2024 et 2025. La législation avance, notamment en matière de RSE. Il nous faut donc intégrer aux Achats la partie tracking carbone, la gestion des risques, la conformité … C’est indispensable au moment d’établir un état des lieux de nos actions et dans le pilotage de la relation fournisseur. Nous travaillons déjà avec EcoVadis depuis quelques temps et cette année, nous souhaitons couvrir 65 % de nos fournisseurs sur la partie RSE.
La RSE est un sujet sur lequel tout le monde essaie de se positionner et les sollicitations externes et internes sont nombreuses ; d’où la nécessité de bien identifier ce vers quoi nous voulons aller. Cela parce cette thématique connaît une surmédiatisation qui pourrait nous pousser à aller trop vite dans une direction, qui n’est peut-être pas la plus adaptée. D’autres sujets sont en cours d’intégration et d’autres doivent encore être adressés, notamment l’IA. Nous sommes encore en train d’explorer le champ des possibles en la matière, car le sujet commence peu à peu à s’imposer, même aux Achats.
Sur quels KPI vous basez-vous pour évaluer la réussite de votre programme ?
Le taux de couverture des achats est une donnée extrêmement importante, nous la mesurons chaque année. Il est évalué à plus de 80 %
Le taux de couverture des achats est une donnée extrêmement importante, nous la mesurons chaque année. Il est évalué à plus de 80 % pour le moment. À cela s’ajoute une notion de ROI, que nous calculons par rapport aux gains générés dans chacun de nos pays, selon un ratio que nous avons établi en amont. C’est essentiel pour mesurer l’activité et pour savoir si, oui ou non, nous devons apporter des éléments spécifiques à certains de nos pays. Nous construirons au fil de l’eau d’autres indicateurs en parallèle du déploiement progressif de notre feuille de route.
Avez-vous des outils spécifiques pour gérer les tails spend ?
Pour le moment, non. Nous avons des projets à ce sujet et certains pourraient intégrer de l’IA. Nous avons commencé à tester certaines choses, mais tout reste encore à faire.
Quels gains de performance attendez-vous de cette nouvelle feuille de route ?
Du temps et de la fluidité sur les sujets notables qu’ils doivent gérer, principalement. Avoir des outils informatiques est un avantage, mais faut-il encore former les équipes sur le sujet. Il faut donc les accompagner, les former aux process. Comme toute solution, nous devons évoluer et nous adapter pour travailler de la manière la plus efficiente qui soit. Les outils doivent les aider à prendre les bonnes décisions et non pas les limiter.
Justement, craignez-vous une certaine forme de résistance au changement ?
Aucunement. Ce travail de formation et ce temps d’étude est d’ailleurs là pour leur faciliter la tâche. En impliquant dans notre programme les équipes métiers, nous nous sommes d’une certaine manière préservés. En plus de mes équipes, les acheteurs établis dans nos pays sont des relais de la conduite du changement. Nous avons fait un choix collectif, avec nos pays et cela diminue les risques de résistance. Les freins peuvent exister ; certaines personnes pouvant avoir plus de mal à s’accommoder des outils. Il n’empêche qu’au regard de notre mode de fonctionnement, cette étape n’engendre chez nous d’inquiétude particulière. Nous veillons à ne pas négliger le collectif, à travailler tous ensemble pour nous faciliter la vie et avancer dans le même sens.
Qu’allez-vous faire de votre patrimoine data ?
La data est partout, mais il faut apprendre à la récupérer et la transformer
La data est un sujet majeur. Il n’est pas simple de la capter et de l’apprivoiser. J’ai justement récupéré ce périmètre l’année dernière et, avec mes équipes, nous nous acculturons encore sur cette matière. La data est partout, mais il faut apprendre à la récupérer et la transformer. S’il est bien d’en avoir, il faut avant tout la comprendre, savoir l’interpréter et l’exploiter. Et cela n’a rien d’évident. Nous devons maîtriser la data qui passe dans nos mains, car sans cela, nous prendrons du retard. Face à cet impératif, un de mes collaborateurs s’est spécifiquement formé sur le sujet. L’enjeu ne cesse de prendre de l’importance et nous permettra, si nous y répondons comme il le faut, de cultiver un peu plus notre rapport de proximité avec les équipes métiers. La data que nous exploitons demande encore à être analysée et peaufinée.
Ces données doivent être partagées, elles appartiennent avant tout à l’entreprise. Certaines peuvent se révéler intéressantes pour nos services. D’ailleurs, nous-même avons besoin de data d’autres services pour fonctionner, notamment la Finance. La data, c’est finalement la valeur ajoutée que nous n’avons pas encore optimisée au sein de notre direction, mais nous y travaillons.