Accor : « Le digital est un vecteur de notre proposition de valeur »
Par Mehdi Arhab | Le | Si ha
Vincent Olicki, SVP Digital Factory au sein de la centrale d’achat du groupe Accor, évoque avec nous le portefeuille de solutions des Achats du groupe hôtelier. Alors que bon nombre des outils utilisés par les collaborateurs Achats et les clients de la centrale d’achat sont développés par son département, il réfléchit désormais à s’orienter davantage vers des solutions disponibles sur le marché.
Les achats du groupe Accor en chiffres :
Montant des achats : 2,5 à 3 milliards d’euros par an
Nombre de fournisseurs : 3 000 fournisseurs
Nombre de clients de la centrale d’achat : plus de 8 000
Nombre de collaborateurs au sein de la digital factory : une centaine, parmi lesquels une vingtaine d’employés du groupe Accor.
Comment se traduit votre périmètre de responsabilité au sein de la centrale d’achats ?
L’équipe Digital Factory pour le département des achats gère et administre l’ensemble de l’écosystème des outils Achats. Cinq pôles sont sous ma responsabilité, dont trois spécifiquement orientés sur les outils. Nous comptons également un pôle data, récemment structuré et un dernier, baptisé digital transformation, qui a la charge d’insuffler le virage numérique auprès des équipes business. Le tout est représenté par une centaine de personnes, dont une vingtaine de collaborateurs, le reste étant des externes. Aux yeux du comité de direction des Achats, le digital est un vecteur de notre proposition de valeur. Les outils doivent permettre de travailler plus efficacement.
Nous avons dans notre portefeuille une dizaine de solutions, utilisées aussi bien par des populations internes aux Achats que des populations externes, comme nos fournisseurs et, bien sûr, les clients de la centrale d’achats. Nous avons développé à l’endroit de ces derniers une marketplace Amazon like, qui leur permet de passer commande auprès de la centrale. Nous comptons d’autres outils, essentiellement à vocation interne, dont l’un d’eux permet notamment de gérer nos contrats avec nos fournisseurs et la partie rémunération de services. Celui-ci a également été construit et développé en interne, comme quelques autres d’ailleurs.
Pour ce qui est de la centrale d’achats au global, nous signons chaque année entre 2,5 et 3 milliards d’euros d’achats. Nous travaillons avec plus de 3 000 fournisseurs et comptons plus de 8 000 clients, parmi lesquels des hôtels, mais aussi des acteurs de l’industrie de tourisme, des salles de sport ou encore des hôpitaux. Les clients de la centrale d’achats ne sont pas forcément des entités qui exploitent une des marques du groupe.
Vous ne recourez donc à aucun outil édité par un acteur bien connu du marché ?
Nous avons des partenariats avec certains acteurs du marché : Coupa pour nos achats indirects, ScanMarket pour le sourcing, Tradeshift pour la facturation électronique par exemple…
Quelles grandes directions vous imposez-vous dans les mois et années à venir ?
Lorsque le choix du make a été fait pour certaines verticales il y a quelques années, le marché n’était pas aussi mature qu’il ne l’est aujourd’hui
Nous voulons éviter de nous éparpiller. Tout un tas d’outils et de solutions sur étagère existent. Lorsque le choix du make a été fait pour certaines verticales il y a quelques années, le marché n’était pas aussi mature qu’il ne l’est aujourd’hui. Une grande réflexion se pose aujourd’hui sur le make or buy. Cela parce que nous devons nous concentrer sur les outils les plus essentiels et les plus importants pour gagner en efficacité. Ce n’est pas dans notre ADN d’entreprise de construire et développer des outils digitaux, ni dans notre cœur de métier. Nous sommes là avant tout pour proposer des produits et services, un panel de fournisseurs et des prix négociés qui soient les plus intéressants pour nos clients. Nous avons donc peut-être intérêt à regarder ce qui se fait sur le marché, ouvrir nos horizons et capitaliser sur une licence portée par un éditeur.
Cette équipe ne doit pas juste être une « équipe outils », mais bien une équipe qui assiste le business
Un autre sujet essentiel nous animera : la notion de customer centricity. Nous avons travaillé durant bien trop longtemps de manière silotée avec le reste de nos tiers, aussi bien d’un point de vue organisationnel que d’un point de vue exécution. Nous avons trop souvent pensé les évolutions des outils sans consulter le business et recueillir son ressenti. Nous devons donc transformer notre manière d’opérer et remettre l’utilisateur, le client ainsi que le fournisseur au centre de nos préoccupations. L’objectif est de passer d’une organisation qui pensait seule à une organisation qui travaille avec et pour le business. Le pôle digital transformation joue un rôle immense à ce sujet. Cette équipe ne doit pas juste être une « équipe outils », mais bien une équipe qui assiste le business.
Enfin, nous lançons un grand chantier autour de la data. C’est un sujet essentiel dans un programme de transformation digitale. L’outil doit être au service de la personne qui l’utilise et non constituer une contrainte ou un frein. Il doit faire gagner du temps à ceux qui s’en servent ; de ce fait, la data doit être accessible facilement et la plus fiable possible. C’est un enjeu stratégique, si ce n’est le premier enjeu stratégique de mon département. Preuve en est, nous investissons cette année à ce sujet trois fois plus que par le passé.
Quel constat avez-vous fait sur cette question du make or buy ?
Si nous nous posons interrogeons sur la question du make, c’est avant tout parce que nous n’avons pas suffisamment investi sur certains outils
Si nous nous posons la question du make, c’est avant tout parce que nous n’avons pas suffisamment investi sur certains outils. Reste à savoir si nous avons la capacité et l’envie d’investir davantage, et ainsi s’appuyer sur des équipes techniques étoffées qui continueraient à construire des outils propres ; ou alors, si nous devons opter pour un outil sur étagère. Si nous faisons ce choix, celui-ci devra être en mesure de répondre à nos besoins. Derrière, se cache finalement notre aptitude à attirer les talents et les savoir-faire en matière de digital.
À titre d’illustration, notre outil de rebate management, que nous avons bâti from scratch il y a cinq ans, fonctionne relativement bien. Mais les attentes du business sur le sujet sont bien plus importantes et l’outil ne leur donne pas entière satisfaction. Forcément, nous nous posons désormais la question de recourir à un outil sur étagère. C’est une vraie possibilité, car le marché a bien évolué et il existe désormais tout un tas de solutions pour gérer de façon optimale cette partie.
Vous évoquiez la question de la data. Pouvez-vous nous dire comment comptez-vous répondre à vos enjeux ?
Nous avons en tout début d’année complètement changé notre fusil d’épaule sur le sujet. Auparavant, nous extrayions la donnée de notre écosystème d’outils et la projetions dans des dashboards sur Power BI. Mais nous avons constaté que cela ne fonctionnait pas et que les dashboards n’étaient pas vraiment fiables. Là encore, l’organisation data aux Achats opérait de manière complètement indépendante du business. Il était donc nécessaire de repenser l’équipe data et d’investir davantage. Le pôle continue de se construire et de s’étoffer et désormais, une partie de l’équipe est en lien constant avec le business.
Il n’est plus question que notre pôle data fonctionne isolément
Nous voulons que le pôle data s’inscrive plus globalement dans le pôle data d’Accor, tout en restant maître de sa data pour la contrôler et la fiabiliser. Cela pour la mettre à disposition dans de bonnes conditions à nos utilisateurs et à terme, aux autres départements voire à l’extérieur. Certains de nos hôtels ou fournisseurs pourraient effectivement être intéressés d’avoir des vues compilées de certaines métriques, qui les concernent et auxquelles ils n’auraient pas accès. Il n’est plus question que notre pôle data fonctionne isolément. La data aux Achats peut se révéler intéressante à bien des égards pour d’autres directions d’Accor. Et il en va de même pour nous : la data du groupe est susceptible de nous intéresser, comme le taux d’occupation des chambres d’hôtels pour le mettre en relief avec l’évolution de nos dépenses.
Nous mettons en place un master data management
Nous mettons en place un master data management. Il prend la forme d’un « entrepôt », dans lequel nous versons les données des autres directions d’Accor et les données des applications qui nous paraissent les plus importantes : la table des contrats, la table des rémunérations de services attachées à chaque contrat, la table du déclaratif fournisseurs … Le travail de « tuyauterie » est en train d’être mené pour arroser au mieux ce master data management. Il doit en quelque sorte devenir la plaque tournante de la data entre chacun de nos différents outils.
Ensuite, de cette gestion de nos données de références, nous veillerons à ce que nos collaborateurs puissent interroger la data qui y sera intégrée. Le but est de leur donner la main sur le sujet et les laisser libres de faire ce qu’ils souhaitent avec. Nous allons par ailleurs changer l’outillage pour que nos dashboards soient plus flexibles et modernes.
Comment appréhendez-vous la question de la conduite du changement ?
Le pôle digital transformation est en première ligne à ce sujet. Une de ses branches, en central, a pour mission de documenter et expliquer les contours de l’outil, que ce soit en matière de process ou de formation. Son lien avec le business doit être permanent pour lui exposer comment bénéficier des outils. Par ailleurs, une autre branche, dont les individus sont établis dans nos régions, accompagne nos équipes pour répondre à toutes leurs questions. Ce sont des relais fondamentaux qui détiennent des connaissances fines du marché et de l’écosystème local.
Si nous modifions notre approche en matière d’outils, c’est aussi et avant tout parce que les retours des utilisateurs business n’étaient pas satisfaisants
Le tout étant de rendre cela le plus doux possible. Si nous modifions notre approche en matière d’outils, c’est aussi et avant tout parce que les retours des utilisateurs business n’étaient pas satisfaisants. Nos outils manquent d’ergonomie, certains ne sont pas assez performants … Le changement intervient en premier lieu chez nous, dans notre manière de travailler. Nous voulons justement nous reconnecter au business. Et ces changements doivent lui bénéficier. Nous nous sommes donnés pour objectif d’améliorer la satisfaction des utilisateurs. Nous avons commencé à mettre en place des enquêtes de satisfaction, sur chaque communauté d’utilisateurs, afin justement de mesurer de façon régulière leur ressenti concernant les outils.