Catégorie ha

Pour les Achats, les prestations de marketing et de communication ont tout du casse-tête

Par Mehdi Arhab | Le | Prestations intellectuelles

Les membres du club des managers achats sont revenus sur l’épineuse question des achats marketing et communication. Ils ont évoqué au cours de la soirée leurs relations avec leurs prescripteurs et avec les prestataires, avec qui le dialogue n’est pas toujours très évident.

Pour les Achats, les prestations de marketing et de communication ont tout du casse-tête
Pour les Achats, les prestations de marketing et de communication ont tout du casse-tête

Les appels d’offres et consultations se multiplient ; la mise en compétition est de plus en plus rude, aussi bien pour des projets conséquents que pour des projets moins importants. Et les griefs des agences marketing ou communication à l’égard de certaines pratiques d’achats restent nombreux, non résolus, malgré les alertes répétées lancées par les professionnelles. Pression systématique sur les charges, délais de restitution attendu trop court, dépenses commerciales engagées dans les pitchs non prises en charge … 

Pour en finir avec ce qu’elles considèrent être des abus, les principales associations professionnelles du secteur de la communication avaient élaboré il y a quelques années une charte de bonnes pratiques, « La belle compétition », dans laquelle elles promeuvent des bonnes pratiques à discrétion des directions achats. Elles appelaient notamment à limiter le nombre d’agences consultées pour un appel d’offres, à ne pas remettre en compétition systématiquement tous les lots d’une prestation et payer les frais engagés par les candidats lorsque des rendus coûteux sont demandés dans l’appel d’offres. Mais qu’en pensent les Achats ?

Des incompréhensions nombreuses 

Pour nombre de membres du club des managers achats, si certaines choses peuvent s’entendre, il aurait été préférable d’inviter les acheteurs autour de la table. « Ils n’ont vu cela que de leur fenêtre. Il aurait été bien plus intéressant d’échanger et de coconstruire cet outil », explique l’un des convives. Un autre embraye : « je trouve l’approche quelque peu osée. Elles viennent d’une certaine manière nous expliquer la façon dont nous devrions travailler, c’est contre-productif ». Le cadre est posé. Aux relations parfois tumultueuses avec les agences de communication et autres agences de marketing s’ajoute le fait que les directions achats ont parfois du mal à faire comprendre à leurs homologues du Marketing ou de la Communication leur valeur ajoutée. 

Trouver un moyen d’afficher la valeur ajoutée des Achats

Quel est l’intérêt pour eux de consulter les Achats en amont ? Aux yeux des convives, les directions achats peuvent jouer un rôle clé dans le développement de la stratégie « d’approvisionnement » de l’entreprise en matière de services marketing et de prestations de communication. Leur expertise sur les sujets de négociation de contrat et sourcing fournisseurs est aussi sans équivalent. « Nous sommes en quelque sorte un chef d’orchestre. Lorsque des silos se créent parce que différentes directions ne communiquent pas entre elles, nous intervenons en formant des passerelles et en trouvant des synergies. Plus que de penser à l’optimisation des coûts, notre apport s’observe dans le management du risque et l’évaluation que nous faisons des références de l’agence », commente l’une des convives, responsable achats marketing et communication d’un grand groupe. Mais quand bien même, tout cela ne suffit pas. L’écart de culture est, semble-t-il, encore trop grand. Il est, pour les Achats encore assez difficile de convaincre les directions marketing et celles de la communication de se séparer de partenaires historiques avec elles entretiennent des relations de confiance.

Le plus important est de comprendre le besoin du prescripteur pour bien orienter notre action

Pour être acceptés et gagner en légitimité, les Achats doivent faire montre de toute leur capacité de compréhension. « Le plus important est de comprendre le besoin du prescripteur pour bien orienter notre action, assure le directeur des achats France d’un grand groupe des cosmétiques. Cela permettra de bien orienter le sourcing et la sélection des fournisseurs. Si le prescripteur est à la recherche d’une adaptation, il ne sert à rien de chercher une agence de création et vice-versa. Nous devons nous coordonner avec le métier qui décide en lui présentant les différents scénarios qui peuvent s’offrir à lui ». « Notre plus-value réside dans notre capacité à challenger le besoin du client interne. C’est aussi comme cela que nous pourrons le faire sortir de sa relation d’habitude et lui ouvrir les yeux sur ce qui fait par d’autres acteurs », confirme un autre. Mais pour y parvenir, non partiellement mais complètement, les Achats doivent dépasser leurs préjugés, apprendre à parler la même langue que leurs prescripteurs. C’est aussi comme cela qu’ils cerneront la nouveauté. En somme, le rôle des acheteurs consiste à apporter un semblant de méthodes et des critères, tout en faisant preuve de souplesse auprès du métier.

Je pense sincèrement qu’il est impossible de mesurer le ROI d’une campagne. Et ce n’est au demeurant pas le rôle des Achats

Suffisant ensuite pour mesurer objectivement la qualité et le ROI d’une prestation commandée ? Sans doute pas pour beaucoup d’invités. Comment appréhender la subjectivité, le pouvoir créatif d’une prestation ? Pour les Achats, il est somme toute compliqué de définir des métriques fiables sur un sujet qui bouleverse avant tout la sensibilité et qui caresse la notion d’immatériel. Plus que de mesurer le ROI d’une campagne, il faut trouver un moyen de mesurer les retombées en matière d’image de marque. « Je pense sincèrement qu’il est impossible de mesurer le ROI d’une campagne. Et ce n’est au demeurant pas le rôle des Achats, nous devons avant tout présenter les bons éléments au métier pour qu’il prenne la décision la plus réfléchie qui soit. Ce sont pour autant des investissements qu’il faut réaliser », commente l’un des convives. Justement, pour un autre invité, la réussite de l’action des Achats réside dans la réalisation d’un brief ou cahier des charges robuste, en aidant le client interne à formaliser son attente sur le papier. Et c’est aussi comme cela que les Achats pourront assurer de l’intégrité dans la relation avec les agences qui répondent aux appels d’offres.

La rémunération des agences lors des appels d’offres, une bonne idée ?

« Nous devons être clair dans nos attentes et ne pas faire travailler les agences pour rien. Cela en leur donnant la possibilité de restituer un rendu convaincant dans un temps tenable, pour ne pas tirer sur la corde et les faire travailler plus que de raison. Ensuite, nous devons, pour les agences qui ne sont pas retenues, expliquer pour quelles raisons elles ne le sont pas. C’est un gage de respect et aussi une manière de garder des relations cordiales et de qualité avec des acteurs avec lesquels nous pourrions travailler plus tard », explique l’un des convives.

L’appel d’offres est partie intégrante du business model des agences, de leurs charges

Vient ainsi, doucement mais sûrement, la question de la rémunération des agences lors d’un appel d’offres. Si certains disent ne pas y voir d’inconvénient, d’autres pensent que cela n’a pas de sens. « L’appel d’offres est partie intégrante du business model des agences, de leurs charges. Le tout étant de ne pas leur demander des livrables aboutis et de ne pas ouvrir la sélection à beaucoup trop d’agences », soutient l’une des invités. « Il faut jouer la transparence, annoncer le principe dès le départ et les prévenir que l’appel d’offres ne sera pas rémunéré », acquiesce une autre. Mais un responsable achats d’un grand groupe de l’aviation tempère et avoue ne pas avoir de problème à rémunérer les agences lors d’un appel d’offres. «  Les agences investissent du temps et de l’énergie. Ils travaillent durement pour délivrer un rendu et nourrissent par leur action la réflexion de nos clients internes. » Même là, les avis divergent …