Club des Managers Achats : Quels sont les enjeux autour des achats de prestations intellectuelles ?
Par Mehdi Arhab | Le | Prestations intellectuelles
Le Club des Managers Achats du mois de juin a réuni près d’une trentaine de directeurs achats d’ETI et responsables achats de grands groupes. Ces derniers sont revenus sur les dernières tendances des achats de prestations intellectuelles.
Acheter des points de QI est tendance et concentre de plus en plus d’enjeux pour beaucoup d’entreprises. Les projets pullulent et pourtant, les donneurs d’ordres endurent de grandes difficultés au moment de définir précisément le besoin et de recruter les bons sachants. Ceci quelles que soient les compétences et profils recherchés, ou presque. Les business analyst, data scientist, experts en cybersécurité, en informatique, cloud et autres développeurs sont pour beaucoup de donneurs d’ordre les profils les plus demandés. Et, par conséquent, leurs TJM décollent.
Les talents préfèrent le freelancing. Je ne constate pas de pénurie des ressources, c’est un discours tenu par les ESN qui ne parviennent plus à les retenir
Les Achats n’ont donc pas vraiment d’autre choix que de chercher les compétences là où elles sont et de « se calquer » au marché. En effet, les entreprises semblent désormais presque dans l’obligation d’accepter des prix plus élevés sur les profils rares, car ce qui est rare est cher. Et il faut dire, comme le rappelle l’un des convives, que le marché est pour le moins compliqué. « Entre l’inflation et les pénuries de talents, il est difficile de nager dans ces eaux troubles ». D’autres ne partagent pas ce constat, l’un des directeurs achats présents assurant qu’il ne cessait de se faire démarcher, un autre indiquant qu’il faut simplement sourcer les profils les plus pointus là où ils se trouvent. « Les talents préfèrent le freelancing. Je ne constate pas de pénurie des ressources, c’est un discours tenu par les ESN qui ne parviennent plus à les retenir en réalité ».
Le freelance, le marché de demain
Et justement, cet élément joue, semble-t-il aussi, en faveur des freelances aux profils les plus rompus et ricoche de fait sur les plateformes d’intermédiation. Et cela pour une raison : les bons profils et les bonnes compétences ne sont plus la propriété exclusive des SSII. Pour les attirer, de leurs côtés, les donneurs d’ordre jouent sur l’intérêt de la mission, l’image de marque … Sans toutefois avoir l’assurance de les conserver. Mais « est-ce vraiment le but », rappelle l’un des convives. De fait, les entreprises intègrent de plus en plus la possibilité de faire appel à ces profils via du portage salarial et des plateformes d’intermédiation. Certains disent recourir à des plateformes généralistes, d’autres choisissent des plateformes spécialisées ou en sélectionnent même plusieurs.
Il existe une vraie réticence en interne, certains ne veulent pas passer par des freelances et veulent continuer avec des cabinets
Cette tendance se traduit aujourd’hui par une progression significative et globale du chiffre d’affaires de ces dernières, atteignant un peu plus d’un milliard d’euros en 2021, contre 680 millions d’euros en 2020. Une progression encourageante, mais qui reste à relativiser compte tenu du volume que représente le marché des prestations intellectuelles. Néanmoins, si beaucoup sont séduits par le recours au freelancing, pour des raisons de variété, d’agilité, de flexibilité et même de coût, certains présents émettent des réserves ou veulent préserver des relations privilégiées avec des ESN. D’autres sont freinés par leurs prescripteurs. « Il existe une vraie réticence en interne, certains ne veulent pas passer par des freelances et veulent continuer avec des cabinets », explique l’une des invités.
La gestion du risque à ne pas négliger
Si le recours aux prestataires externes est une pratique de plus en plus attractive pour les entreprises de toute taille, la question de la sécurisation de la prestation se pose, notamment du point de vue juridique. Les entreprises ne peuvent pas pourvoir un poste qui réclame une occupation à plein temps par un salarié en faisant appel systématiquement à des freelances. Une telle pratique est d’ailleurs interdite par la loi car elle vise à contourner l’application de la législation sociale. Bien que les risques restent minimes pour les entreprises respectant les conditions légales des recours aux freelances, le travail dissimulé constitue un délit pénal. À cela s’ajoute un autre risque, qui est un autre point de vigilance, celui de la dépendance économique.
La RSE imprègne les achats de prestations intellectuelles
De nombreux services achats sont de plus en plus portés par l’envie d’intégrer des critères RSE dans leur cahier des charges, notamment pour leurs achats de prestations intellectuelles. Ce qui semblait n’être qu’un effet de mode à une époque est peut-être maintenant une tendance de fond ; beaucoup d’entreprises imposant depuis maintenant un certain temps des critères RSE, en lien avec la politique groupe, dans leur cahier des charges, pouvant aller jusqu’à 20 % de la note de sélection de leur prestataire. Pour que le marché contribue réellement à l’insertion sociale, des personnes en situation de handicap et autres, un donneur d’ordre présent préfère mettre en place des clauses plutôt que des critères. Si la partie inclusion semble plus simple à intégrer dans le cahier des charges, certains convives affirment qu’ils parviennent aussi à intégrer le volet environnemental dans leurs cahiers des charges sur les achats de prestations intellectuelles. « C’est comme cela que nous parvenons à avoir une vision TCO », explique l’un des convives. Néanmoins, les Achats peuvent éprouver quelques difficultés pour les caractériser, la famille d’achat étant très spécifique. Les difficultés rencontrées imposent donc de bien cerner les notions d’inclusion sociale et d’insertion afin d’élargir le champ des possibles.
Une des invités défend d’ailleurs l’idée que, au même titre que les entreprises ordinaires, les ESN de type EA sont à même d’assurer des prestations de service de qualité et compétitives. L’objectif d’une politique achats responsables étant aussi de mettre en valeur des métiers à forte valeur ajoutée. Une approche qui éloigne des idées reçues, puisque beaucoup de grands donneurs d’ordre cantonnent encore dans leur esprit les structures de l’ESS à des métiers manuels, de type conditionnement, entretien des espaces verts et nettoyages de site. Charge derrière au prestataire d’assurer sa mission dans le délai imparti et à un coût acceptable.