FNB : « Beaucoup de gens l’avaient oublié, mais la palette c’est la base du commerce »
Par Guillaume Trecan | Le | Énergie environnement
Nicolas Douzain-Didier, le délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB) qui table sur le retour des prix du bois à des niveaux plus raisonnables que ceux vers lesquels ils avaient été portés, revient sur les causes de ces hausses. Il explique aussi en quoi les prix du bois peuvent influer sur le commerce international.
Quelles sont les causes des tensions apparues sur le marché du bois ?
Les causes de la crise sont à chercher aux Etats-Unis. Le plan de relance de Donald Trump a stimulé la construction qui sortait de très longues années de léthargie. Auparavant, la crise des subprimes avait fait des dégâts terribles parmi les scieurs américains, par ailleurs fortement impactés par les ouragans et les feux de forêt. Pour compléter leurs approvisionnements, les Américains se sont tournés vers le Canada mais aussi vers les pays européens exportateurs : Allemagne, Autriche, Finlande. Cet afflux de demande et la spéculation ont entraîné une multiplication par trois ou quatre des prix du bois, passés en quelques mois de 400 dollars à 1 700 dollars* à la bourse de Chicago. En France, les clients importateurs ont subi des hausses allant jusqu’à 100 %. Les clients historiques des scieries françaises, qui ont augmenté leur production de 20 %, ont connu des hausses deux à trois fois moins importantes que ceux qui travaillaient à l’import.
A quelle échéance les acheteurs peuvent-ils espérer une amélioration ?
La situation a continué à se tendre jusqu’au début de l’été mais, depuis la rentrée, une détente s’amorce sur le marché du bois. Aux Etats-Unis, les prix sont presque revenus à 400 dollars. Cela va se répercuter en Europe. Une forte détente va s’opérer dans les trois prochains mois, d’abord dans les délais de livraison, puis, sur les prix, quand l’offre et la demande se rejoindront. Mais, comme pour tous les matériaux, on ne sait pas quel sera le prix d’atterrissage.
Deux sujets intéressent principalement les directions achats : le bois qui sert à la construction et les palettes
Quels sont les principaux débouchés professionnels du bois en France ?
Deux sujets intéressent principalement les directions achats : le bois qui sert à la construction et les palettes. Beaucoup de gens l’avaient oublié, mais la palette c’est la base du commerce.
Quelle est l’influence, sur le marché du bois, du regain d’intérêt pour le carton, qui remplace le plastique dans nombre d’emballages ?
Une mutation est en train de s’opérer dans ce secteur, mais il n’y a pas de problème d’approvisionnement. En effet, le papier graphique est en décroissance rapide et la crise Covid a accéléré ce phénomène. Les usines qui fabriquaient de la pâte pour le papier graphique sont en très grande difficulté et certaines, comme par exemple celle de Tarascon, opèrent une mutation accélérée pour produire de la pâte pour l’emballage. Le bois de pâte à papier ne concurrence pas le bois de construction, ils ne viennent pas de la même partie de l’arbre. En outre, on utilise dans le carton de plus en plus de matériaux recyclés, comme par exemple du carton usagé pour en récupérer les fibres.
Nous participerons à une mutation qui n’est pas le tout bois, mais qui va vers un mix de matériaux plus large
Les nouvelles normes environnementales dans la construction offrent-elles des perspectives intéressantes pour vos adhérents ?
La RE2020 ne concerne que le neuf. Or la rénovation représente 60 % des débouchés du bois. Dans la construction neuve, nous ne pesons aujourd’hui que 6 % du mix des matériaux. Cela passera peut-être à 12 à 15 % d’ici à 2030. Ce qui est important pour nous mais nous maintiendra dans une position d’outsider pour les donneurs d’ordres du bâtiment. Nous participerons à une mutation qui n’est pas le tout bois, mais qui va vers un mix de matériaux plus large.
Les acteurs français du bois sont-ils bien positionnés par rapport à ces opportunités à venir ?
Le fait que citoyens et acheteurs soient plus regardants sur l’origine des bois, y compris jusqu’à la gestion des forêts, nous est très favorable. Nous avons créé la marque Bois de France, pour accompagner ce mouvement. Ce n’est pas du protectionnisme mais cela traduit un besoin de transparence concernant la traçabilité des matériaux intégrés dans la construction. Depuis des années, nous incitons les entreprises à se tourner vers plus de bois et plus de bois français, lorsqu’elles ont des rénovations, des aménagements et des constructions. Et nous avons les moyens de valoriser ce choix en termes de RSE et de mesurer le carbone économisé. Nous avons par exemple signé des accords avec Bouygues Construction France, qui s’engage à recourir à 50 % de bois français d’ici à 2025. Autre exemple, le groupe Lidl va construire en bois tous ses nouveaux magasins.
*en Thousand Board Feet