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Arthur Arrighi de Casanova : « Enormément de CPPA sont en cours de négociation »

Par Guillaume Trecan | Le | Énergie environnement

Expert en énergies renouvelables du cabinet Capgemini Invent, Arthur Arrighi de Casanova, décrypte les tendances en matière de Corporate Power Purchase Agreement (CPPA), ces contrats d’achats d’énergie verte à moyen long terme, fondés sur le développement de capacité additionnelles.

Arthur Arrighi de Casanova, Vice-President développement durable et transition énergétique. - © D.R.
Arthur Arrighi de Casanova, Vice-President développement durable et transition énergétique. - © D.R.

Pouvez-vous rappeler l’intérêt que présente un Corporate Power Purchase Agreement (CPPA) dans le contexte d’inflation galopante des coûts de l’énergie ?

Aujourd’hui, en France, le CPPA est le seul mécanisme qui permet de prendre des positions d’achat d’énergie à moyen et long terme. Aujourd’hui, acheter de l’énergie à long terme se fait à trois ans maximum. Un CPPA permet de prendre des positions sur 10 ; 15 ; ou 20 ans. Le prix peut être légèrement marqué par l’inflation, ou indexé dans une certaine mesure, mais il reste tout de même très contrôlé et évidemment beaucoup moins volatile que ce que l’on peut constater sur le marché. C’est un point crucial dans un contexte où l’incertitude autour de l’AREHN fait que les entreprises voient le prix de l’énergie exploser.

Les développeurs jouent actuellement du très fort déséquilibre entre l’offre et la demande et pratiquent des prix de plus en plus élevés

En revanche l’inflation des équipements ces 18 derniers mois a conduit à une inflation très forte du prix des PPA et leur rentabilité intrinsèque n’est pas forcément assurée. D’autant que les développeurs jouent actuellement du très fort déséquilibre entre l’offre et la demande et pratiquent des prix de plus en plus élevés.

Que contient le Baromètre trimestriel que vous publiez sur ce sujet ?

Il s’agit de la huitième édition de ce Baromètre sur les CPPA (Corporate Power Purchase Agreement) centré sur la France. Depuis trois ans et notre accompagnement d’Aéroports de Paris pour le premier CPPA additionnel en France, nous nous sommes rendu compte que les acheteurs manquaient énormément de maturité sur ce sujet, qui n’a rien à voir avec un achat d’énergie classique. Les développeurs étaient aussi un peu perdus et il nous a semblé intéressant de leur apporter des éléments d’éclairage pour les aider à se positionner. Ce Baromètre croise à la fois des informations sur les CPPA, sur les garanties d’origine et nous l’agrémentons avec des entretiens avec des acheteurs et des développeurs (Voltalia, EDF, Boralex, etc.) dans l’idée d’un retour d’expérience.

Celui de Voltalia et Renault, s’annonce comme le plus important jamais signé en France

Quelles tendances votre Baromètre du troisième trimestre 2022 met-il en valeur ?

Cette édition est un peu particulière. Le marché est actuellement bouillonnant, énormément de CPPA sont en cours de négociation. De très beaux ont été signés au mois d’octobre - notamment celui de Voltalia et Renault, qui s’annonce comme le plus important jamais signé en France - et énormément d’annonces vont être faites au 4e trimestre 2022 et au premier trimestre 2023. Mais sur les 2e et 3e trimestre 2022, très peu ont été conclus. Cet attentisme s’explique par les nombreuses évolutions de la réglementation sur le prix de l’énergie et sur le développement des énergies renouvelables ces six derniers mois.

Aujourd’hui la grande majorité des projets se développe à partir des appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). L’Etat s’engage auprès des développeurs à acheter, pendant quinze ans, l’énergie issue de ces projets à un tarif donné. C’est cet engagement de la CRE qui permet in fine de financer le projet. Mais l’inflation de près de 20 % sur le coût des projets a déséquilibré les développeurs, les incitant à vendre cette énergie plus chère à des acteurs privés. Pourtant, depuis un an et demi ces projets ont permis de financer en grande partie le bouclier tarifaire. L’Etat a donc décidé de changer les règles du jeu. A présent, le lauréat d’un appel d’offres CRE a le droit de vendre l’énergie sur les marchés et d’en retirer totalement le bénéfice pendant 18 mois. Ces éléments de régulation ont beaucoup perturbé les marchés.

Le témoignage de Solvay, dans votre Baromètre met en exergue l’importance de la maîtrise du foncier dans ces projets. Expliquez-nous pourquoi ?

Alors que la France dispose d’énormément de foncier disponible, il est très difficile d’obtenir les autorisations de développer des projets. Quand nous prospectons le marché pour demander à des développeurs s’ils ont des projets, ils nous demandent systématiquement si l’acheteur que nous accompagnons a du foncier. C’est un atout très précieux dans la négociation.

Un CPPA est un projet d’entreprise dans lequel les Achats peuvent être chef d’orchestre, mais qui implique un nombre de fonctions bien supérieur à tout autre contrat d’achat

Quels autres conseils donnez-vous à vos clients acheteurs sur ces sujets ?

Il faut bien comprendre qu’un CPPA n’est pas un contrat ordinaire. C’est un projet d’entreprise dans lequel les Achats peuvent être chef d’orchestre, mais qui implique un nombre de fonctions bien supérieur à tout autre contrat d’achat. La Finance doit être très présente, parce que des dizaines, voire des centaines de millions d’euros sont en jeu pour des durées totalement inhabituelles. La direction juridique doit aussi être très impliquée, de même que la direction de la stratégie parce que le PPA va impacter les coûts de revient de la production, ou encore la direction RSE parce que, même s’il s’agit d’électricité verte de grande qualité, il existe de nombreux pièges. Toutes ces fonctions doivent bien sûr être mises autour de la table dès le début. Enfin, c’est un sujet très complexe sur lequel il peut être nécessaire de se faire correctement accompagner, au moins la première fois.

Portrait

Vice-President développement durable et transition énergétique, Arthur Arrighi de Casanova accompagne les industriels de l’énergie sur les enjeux de la transition énergétique et pilote l’accompagnement des activités développement durable tous secteurs d’activité confondus. Arthur Arrighi de Casanova est aussi responsable de l’offre Net Zero Strategy & New Business Model à l’échelle mondiale.